(Ottawa) Le gouvernement fédéral souhaite faire passer de 6,2 % à 5 % la proportion de résidents temporaires au sein de la population canadienne d’ici 2027, a annoncé jeudi le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller.

La détermination du seuil définitif aura lieu à l’automne, à l’issue de consultations auprès des responsables des provinces et des territoires, dans le cadre de la planification annuelle des niveaux d’immigration, a noté le ministre en conférence de presse.

Dans l’intervalle, il a convié ses homologues provinciaux et territoriaux à un sommet, début mai.

Les résidents temporaires, une catégorie d’immigration regroupant les étudiants étrangers, les travailleurs étrangers temporaires et les demandeurs d’asile, notamment, représentaient 6,2 % de la population canadienne (2,5 millions de personnes) en 2023, selon les plus récentes données de Statistique Canada.

« Nous devons nous assurer que le nombre de résidents temporaires qui font leur entrée au pays soit à un niveau soutenable, tout en respectant nos engagements humanitaires et en tenant compte des priorités du marché du travail », a plaidé Marc Miller.

Le ministre poursuit le double objectif d’« éliminer les abus dans le système » et d’éviter « les pièges d’une économie construite uniquement sur l’immigration temporaire », alors que certains employeurs sont devenus « accros » à cette main-d’œuvre, pour reprendre son expression.

À ses côtés, jeudi, son collègue Randy Boissonnault, titulaire du portefeuille de l’Emploi et du Développement de la main-d’œuvre, a proposé des remèdes expérimentaux pour contrer cette dépendance.

D’abord, à compter du 1er mai, les employeurs devront faire passer de 30 % à 20 % les effectifs issus de cette filière – à l’exception des secteurs de la construction et des soins de santé, où la pénurie est si criante qu’elle ne permet pas ce tour de vis.

Ensuite, à compter de la même date, ils devront élargir leur filet. « Nous demanderons qu’après avoir considéré les citoyens canadiens, les résidents permanents et les réfugiés, les employeurs donnent la priorité aux demandeurs d’asile ayant un permis de travail valide au Canada », a indiqué le ministre albertain.

« Un premier pas »

Les intentions d’Ottawa ont été accueillies avec un optimisme prudent par la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette. « Le gouvernement fédéral reconnaît qu’il devait réduire l’immigration temporaire au Québec. C’est un premier pas. Il faudra voir l’impact » que cela aura, a-t-elle déclaré.

La ministre n’a pas confirmé d’emblée sa participation à la rencontre de l’automne prochain. « Nous analyserons le tout lorsque nous aurons plus de détails », a dit Mme Fréchette, qui doit néanmoins s’entretenir en tête-à-tête avec M. Miller le 28 mars.

À la fin de 2023, le Québec comptait 528 000 résidents non permanents, ce qui représente un bond de 46 % en un an.

La volonté du gouvernement de restreindre l’accès au Programme des travailleurs étrangers temporaires a été accueillie défavorablement par le milieu des affaires. Chez Manufacturiers et Exportateurs du Québec, on s’est dit « très préoccupé » par cette orientation.

Même son de cloche au Conseil du patronat du Québec. « Cette décision aura un impact significatif sur des milliers d’entreprises au Québec et au Canada », a regretté Karl Blackburn, en accusant au passage le fédéral d’« improvisation constante » en matière d’immigration.

Les crevettes et le crabe

Dans la même veine, plus tôt cette semaine, le ministre Marc Miller a été accusé d’être en partie responsable de la fermeture de l’usine de transformation de crevettes Fruits de mer de l’Est, à Matane, qui a fait perdre leur poste à 55 salariés ainsi qu’à au moins 104 travailleurs étrangers temporaires.

Le directeur général de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche, Jean-Paul Gagné, y a vu une conséquence de la récente décision d’Ottawa de réimposer aux Mexicains l’obligation d’obtenir un visa avant de se présenter au Canada.

M. Miller s’est défendu, jeudi : « En ce qui a trait à l’usine de crevettes, je sais que beaucoup a été dit, mais on était prêts […] Il y a un blâme qui a été porté contre cette réimposition, mais je pense que c’est faux. Les travailleurs, au meilleur de ma connaissance, étaient prêts à venir. »

Et à l’approche de l’ouverture de la pêche au crabe, la semaine prochaine, il a bon espoir que la main-d’œuvre mexicaine sera au rendez-vous : «  On y travaille, mais selon ce que j’ai sous les yeux, au moins 80 % des gens, et même, j’espère, 100 % des gens, vont arriver ».

Le Bloc québécois a réclamé jeudi la création d’une cellule de crise pour éviter que d’autres usines mettent la clé sous la porte, en accusant le gouvernement fédéral d’être responsable de la dégradation d’une industrie des pêches qui était « déjà sérieusement mise à mal » dans l’est du Québec.

Avec la collaboration de Daphné Cameron, Karim Benessaieh et Vincent Larin, La Presse

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