Depuis toujours, je discute avec mon père, notamment sur son amour de la culture française et québécoise. Je pourrais l’écouter pendant des heures et j’aime particulièrement lorsqu’il évoque certains souvenirs. Comme celui du 9 mars 1969, ce jour important qui allait changer le cours de sa vie. Papa arrivait de France pour la première fois au Canada.

À sa grande surprise, le Québec qu’il découvrait était très anglophone. Que ce soit dans le milieu des affaires ou dans la vie quotidienne. Papa se rappelle que dans les grands magasins comme Morgan ou Simpson, les vendeurs étaient pour la plupart unilingues et s’adressaient à lui en anglais.

« S’ils parlaient français, ils ne faisaient pas beaucoup d’efforts pour le montrer ! »

Les choses ont-elles changé en plus de 50 ans ? Les statistiques et études disent que le cœur de Montréal ne bat plus en français et qu’il y a un recul majeur de la langue française au Québec, notamment auprès des jeunes générations.

Je pourrais faire de cette chronique un pamphlet politique, mais ce n’est pas mon propos. Il est vrai qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’on revienne sur le débat français-anglais. Il suffit d’ailleurs de vivre à Montréal pour constater combien les deux solitudes existent toujours, selon les quartiers dans lesquels on évolue.

Heureusement, il arrive parfois que les deux solitudes se rencontrent et qu’il se passe quelque chose de lumineux…

Toute petite, on m’a transmis l’amour de la langue française et au-delà du lien viscéral qui nous unit, j’aime les belles histoires qui apportent une bouffée d’espoir.

L’invitée

Depuis l’automne, mon fils de 17 ans est amoureux. Après quelques semaines de fréquentation plus sérieuse, fiston a accepté d’inviter sa dulcinée à souper à la maison afin de nous présenter, en bonne et due forme, celle qui le rend si heureux.

Élevée à Montréal dans un milieu totalement anglophone, sa copine ne parle pas bien français, mais le comprend, un peu.

À la fin du repas, j’ai dit à mon fils combien j’étais étonnée et surtout touchée que cet agréable moment se soit déroulé presque entièrement en français.

Il aurait été si facile pour nous tous de switcher en anglais. C’est presque toujours le cas dans de telles situations.

« Maman, je suis fier de ma langue française et A. veut l’apprendre davantage. »

Depuis, A. utilise avec assiduité l’application Duolingo et comme elle vient régulièrement à la maison, je constate les progrès immenses qu’elle fait. Tout est plus fluide et le temps de réaction entre une question et sa réponse s’amenuise sensiblement. Elle a visiblement eu le déclic amoureux !

Sa motivation à découvrir la culture de mon fils est telle que, le 1er janvier, elle a même insisté pour regarder la reprise du Bye bye en famille, tradition télévisuelle qu’elle ne connaissait pas.

L’anglais s’impose à la grandeur de la planète, c’est l’esperanto contemporain. On peut le déplorer, mais force est de constater que c’est un rouleau compresseur qu’il est difficile de contrer. On le ressent davantage au Québec, puisque contrairement à certains pays dont la langue n’est pas menacée, la nôtre l’est.

Ce « code universel » parlé sous toutes les latitudes est aujourd’hui indispensable et essentiel pour l’économie, les affaires, les communications, etc. Comme l’emploi de l’anglais est pour beaucoup utilitaire, c’est une langue qui ne correspond pas toujours aux valeurs, aux traditions et à la culture des gens qui la parlent. Et pourtant, qu’y a-t-il de plus important que les valeurs, les traditions et la culture ? Devant l’uniformisation, il est primordial de réagir et de favoriser le développement des exceptions culturelles et linguistiques avant qu’il ne soit trop tard.

Pour faire aimer la langue française et donner le goût d’en apprendre les subtilités, il faut en être fier, ne pas la dévaluer ou la réduire à un pensum compliqué et inutile. Le français est certes difficile, mais c’est une des plus belles langues du monde. Elle permet un travail de l’esprit et impose une gymnastique intellectuelle enrichissante.

Qu’on l’utilise dans sa simplicité ou dans sa complexité, elle apporte, dans tous les domaines, de multiples nuances et nous ouvre un monde culturel si riche.

Faisons en sorte que les jeunes trouvent le déclic amoureux de la langue française et les horizons positifs que sa connaissance leur apportera. Ne laissons pas le français devenir une langue morte comme le grec ou le latin, mais gardons-la bien vivante collectivement.

Entre mon père, son petit-fils et moi, il y a beaucoup de points communs et ces quelques phrases poétiques d’Yves Duteil résument bien ce que nous aimons :

C’est une langue belle à qui sait la défendre

Elle offre les trésors de richesses infinies

Les mots qui nous manquaient pour pouvoir nous comprendre

Et la force qu’il faut pour vivre en harmonie 

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue