(Paris) Polyglotte à la carrière internationale, l’acteur Daniel Brühl met son jeu tout en retenue au service de Becoming Karl Lagerfeld, série consacrée au « Kaiser » de la mode qu’il tenait à incarner en français, « comme il se doit ».

Lancée sur Disney+ le 7 juin, cette production française, coréalisée par Jérôme Salle, est adaptée de la biographie Kaiser Karl écrite par la journaliste Raphaëlle Bacqué.

On y suit l’ascension du couturier au catogan, dans les années 70, avant son arrivée chez Chanel, entre Paris, Rome et Monaco.

Sollicité pour incarner le rôle-titre, l’acteur germano-espagnol révélé dans Good Bye, Lenin ! (2003) n’a pas tergiversé.

« C’est un personnage tellement fascinant », explique-t-il à l’AFP en visioconférence depuis Londres, où il tourne une série « très différente » pour HBO, The Franchise, réalisée par Sam Mendes.

« Il fascinait le monde entier », sans que l’on connaisse réellement l’homme « derrière la façade qu’il s’était créée », poursuit en anglais ce natif de Barcelone qui a grandi à Cologne avec son père allemand et sa mère espagnole.

« J’ai eu l’honneur de le rencontrer une fois parce qu’il a pris quelques photos de moi » pour un magazine, ajoute le comédien de 45 ans, marqué par cette « rencontre brève » et sa « nervosité » d’alors face au « regard intelligent » du couturier derrière l’objectif.

Découvrant le projet de série, « je me suis dit “Ouah, ils vont le faire en français, comme il se doit, parce qu’il était plus français qu’allemand” », lance-t-il, rappelant l’amour de Karl Lagerfeld pour la France, le flou entourant son enfance à Hambourg, « porte du monde » quand lui voulait « le monde », et sa relation compliquée avec sa patrie d’origine, où il reste « adoré ».

« Je pense que j’aurais dit non si cela avait été tourné en allemand ou en anglais », assure Daniel Brühl, rompu à la langue de Molière grâce aux deux Françaises épousées par ses oncles d’outre-Rhin, « Françoise de  Paris et Françoise de Toulouse ».

Icône

Le risque de tomber dans la « caricature » d’« une icône si célèbre » était grand, mais le défi trop tentant pour celui qui aime sortir de sa « zone de confort ».

D’autant que cet habitué des rôles historiques – le pilote autrichien Niki Lauda dans Rush, un héros de propagande nazie dans Inglourious Basterds – juge un « peu agaçante » la propension du secteur à offrir aux Allemands des personnages cantonnés « à un seul chapitre » de leur histoire.

Se documentant sur Karl Lagerfeld, le comédien s’est aussi plongé « dans son domaine intellectuel » en « relisant Proust », de la poésie allemande, ou en regardant « les films qu’il aimait tant » comme Les enfants du paradis.

« J’ai commencé à me parler en français avec cet accent allemand, à me déplacer en cherchant la bonne gestuelle », relate celui qui s’est entraîné à la campagne devant « des moutons et des ânes », bon public.

Le déclic survient lorsqu’il essaie les chaussures à talons de son personnage et pense « au flamenco et aux toreros », se « raccrochant à l’image » d’un matador avant chaque prise.

Autre appui de taille, son partenaire de jeu, Théodore Pellerin, qui incarne Jacques de Bascher, le grand amour de Lagerfeld. « Je suis tombé amoureux de lui en cinq minutes », clame Daniel Brühl.

L’interprète de l’ennemi de Captain America tient-il le rôle de sa vie ? C’est en tout cas « l’un de ceux dans lesquels j’ai investi le plus de temps, d’énergie, de passion et d’amour […] J’étais cramé à la fin », reconnaît l’acteur qui, après chaque journée de tournage, laissait partir la pression sous la douche en même temps que la teinture de ses cheveux.

Comme son héros de Next Door, le film qu’il a réalisé en 2021, « nous les acteurs, la plupart d’entre nous, sommes d’horribles personnes très sensibles et narcissiques », justifie celui qui découvrira « son » Karl pour la première fois en avril lors du festival Canneseries.