Nous sommes médecins généralistes, pédiatres, endocrinologues, psychologues, sexologues et travailleurs sociaux spécialisés en soins transaffirmatifs, une discipline méconnue, complexe, délicate et nuancée, mais surtout, essentielle.

Selon les plus récentes données de recensement (2021), 100 815 individus s’identifient comme transgenres ou non binaires au Canada et, selon des données récentes publiées dans le Journal de l’Association médicale canadienne (AMC), les jeunes trans sont 7,6 fois plus susceptibles de faire une tentative de suicide.

Cette clientèle hautement vulnérable l’est encore davantage avant la transition.

L’approche médicale est souvent l’option retenue par les jeunes patients et leurs parents, tous deux conscients des enjeux liés aux traitements, afin d’atténuer la dysphorie de genre, puisqu’il s’agit d’une approche centrée sur les besoins du patient.

L’AMC est claire : « Les jeunes personnes transgenres courent un risque accru de souffrir de problèmes de santé mentale, entre autres de tendances suicidaires, en raison de la stigmatisation qu’elles subissent.1 »

La médecine trans est encadrée par des ordres professionnels et par des sociétés savantes, comme la World Professional Association for Transgender Health (WPATH). Les normes prescrites par ces organismes sont continuellement appliquées à travers nos soins dans le plus grand respect.

En fournissant au Québec un éventail complet d’options de soins de santé, nous soutenons la dignité des personnes transgenres et renforçons l’idée que chaque personne a droit au soutien médical nécessaire. D’ailleurs, au Québec, chaque être humain a le droit de faire ses propres choix concernant les soins requis par son état de santé, et ce, dès l’âge de 14 ans. Toutefois, beaucoup reste à faire pour cette clientèle dans notre système, pour garantir l’accès à des soins de qualité qui ont le pouvoir de sauver des vies.

Des réactions violentes

Au-delà de ces considérations, choisir de se consacrer à cette médecine marginale nécessite motivation et mobilisation. D’ailleurs, nous signons cette lettre sachant que sa publication peut nuire à notre pratique, mais aussi à notre sécurité, car nos soins soulèvent malheureusement des réactions violentes dans la population. Il n’est pas difficile d’imaginer comment cette violence se traduit encore plus intensément auprès de la communauté LGBTQ+. D’ailleurs, il y a quelques jours, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) estimait que « l’exposition à des groupes et à des individus professant une rhétorique extrémiste anti-genre pourrait inspirer et encourager des violences sérieuses contre la communauté2 » (traduction libre).

Déjà issus de communautés fragilisées et marginalisées, ces individus sont la proie d’un intérêt malveillant d’une fraction de notre société, mais également, à notre grand étonnement, de la part de certains médias.

Ceux-ci prétendent informer la population, alors qu’en réalité, ils attaquent le processus médical menant aux transitions de genre, s’en prenant ainsi aux professionnels qui pratiquent cette médecine et donc à la communauté trans et LGBTQ+. Voulant faire « la lumière » sur le bien-fondé de notre pratique, ces médias risquent plutôt de présenter une réalité tronquée, sans nuance, qui pourrait semer une plus grande confusion dans l’esprit du public, créant un débat dont personne ne sort gagnant.

Cette lettre se veut un appel au calme, au respect de la dignité humaine et, surtout, au rationalisme de l’approche scientifique, plutôt qu’au sensationnalisme.

*Consultez la liste des cosignataires 1. Lisez la lettre « L’AMC s’oppose fermement aux efforts gouvernementaux visant à restreindre l’accès aux soins » 2. Lisez l’article de CBC News « CSIS warns that the “anti-gender movement” poses a threat of “extreme violence” » (en anglais) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue