Ces jours-ci, la Société de transport de Montréal déploie une nouvelle campagne pour prévenir l’incivilité envers ses employés. Cependant, peut-être aurait-il fallu cibler la ministre, plutôt que la clientèle.

Comme plusieurs, je suis tombé en bas de ma chaise en prenant connaissance des propos sur le financement du transport collectif de Geneviève Guilbeault⁠1, ministre des Transports et de la Mobilité d-u-r-a-b-l-e. La fougère est passée de travers.

Elle a beau avoir tenté de nuancer, le plus choquant dans sa position est que tout part de fausses prémisses. La ministre considère le déficit routier acceptable et de la responsabilité de l’État, alors que le transport collectif, lui, devrait être à la charge des usagers et des communautés locales.

Autrement dit, selon sa logique, une solution individuelle – l’auto solo – devrait être financée collectivement alors qu’une solution responsable devrait être financée par ses usagers.

En outre, Mme Guilbeault mentionne le peu d’intérêt des habitants des régions face au transport collectif, alors que les 35 000 personnes – par heure et par direction ! – en pointe du matin sur la ligne orange ont la décence de ne pas se plaindre du coût d’entretien des routes de la Côte-Nord.

J’aime citer Marion Voisin et Jean Dubé qui rappellent que le coût réel pour la société d’un déplacement est en fait cinq fois plus élevé pour la voiture que pour le transport collectif. Ces chiffres sont souvent ramenés, mais il semble que nous ne les ayons pas assez répétés.

Envoyer promener bien des gens

Dans sa campagne publicitaire, la STM dit que « Willemine aime se promener, pas se faire envoyer promener ». C’est aussi le cas des usagers, employés et dirigeants du RTL, du RTC ou encore de la STTR.

Envoyer promener les sociétés de transport, c’est une insulte à toutes les personnes qui dépendent du transport collectif ou qui le choisissent. Parmi elles, il y a les étudiants, les personnes dont le revenu ne permet pas de posséder une voiture, les ménages qui évitent d’en acheter une deuxième, ceux et celles qui choisissent un mode de vie actif, les excentriques qui rêvent d’une trame urbaine plus humaine et les nombreux individus soucieux de fournir leur part d’efforts pour l’environnement.

Fragiliser les réseaux de transport, c’est aussi et surtout un affront à la prochaine génération, celle pour qui l’écoanxiété n’est pas près de s’effacer.

Peut-être que ces gens semblent bien lointains, hypothétiques ou extrémistes à notre ministre des Transports et de la Mobilité durable. Or, il faudrait peut-être lui rappeler les responsabilités de son entourage, comme Bernard qui souhaite que les étudiants puissent se rendre en classe, Pierre qui veut aider les entrepreneurs à recruter de la main-d’œuvre, Christian qui veut une population active pour réduire la pression sur le réseau de la santé, Chantal qui veut lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale ainsi que Benoit qui veut faire des gestes pour se rapprocher de ses cibles. Qui sait, peut-être se sont-ils fait dire de gérer leurs fougères ?

On a beau s’apeurer des sondages, opposer villes et régions, automobilistes et usagers du transport collectif est un jeu bien dangereux. Le faire, c’est choisir la fracture sociale.

Dès le lendemain, l’énormité des propos a déjà fait réagir Valérie Plante et Bruno Marchand. C’est rassurant, mais ce qui est le plus désolant, c’est qu’une fois de plus, ils doivent mendier notre mobilité.

1. Lisez « L’État québécois n’a pas à gérer le transport collectif, plaide la ministre Guilbault » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue