« C’est terrible, mais n’est-ce pas à prévoir en temps de guerre ? » C’est le commentaire reçu à maintes reprises par les porte-parole de Médecins du monde et d’Oxfam invités à commenter les attaques contre les civils ou le personnel médical et humanitaire à Gaza.

« Épées de fer », l’opération israélienne qui a suivi les attaques ciblées du Hamas contre des civils israéliens le 7 octobre dernier, est régie par le droit international humanitaire (DIH), un ensemble de règles spécifiquement conçu pour préserver l’humanité en temps de guerre. Ce droit impose à toutes les parties au conflit, qu’elles soient des États comme Israël ou des groupes armés non étatiques comme le Hamas, des obligations pour protéger les personnes non impliquées dans les hostilités (civils, blessés, malades) et leur fournir l’assistance nécessaire.

Or, l’intensité et la durée de la violence indiscriminée et systématique contre les civils et le personnel humanitaire, dont nous sommes les témoins et les victimes à Gaza, dépasse largement ce à quoi on s’attend habituellement en temps de guerre, en particulier de la part d’une partie au conflit ayant une chaîne de commandement claire et d’importants moyens militaires et technologiques à sa disposition.

L’offensive aérienne israélienne est sans précédent dans l’histoire militaire du XXIsiècle. Au cours des trois premiers mois du conflit, il est estimé qu’en moyenne 21 bombes tombaient chaque heure1 sur un territoire plus petit que l’île de Montréal.

Deux fois plus de femmes et d’enfants sont morts à Gaza en deux mois qu’en Ukraine en deux ans2. Près de 800 attaques contre des hôpitaux et du personnel soignant ont été documentées3. Au moins 249 travailleurs humanitaires ont été tués, soit six fois plus que dans tout autre conflit durant la même période4.

Gaza est devenu l’endroit le plus dangereux sur Terre pour les civils, mais aussi pour les soignants et les travailleurs humanitaires qui leur portent secours.

Peu importent ses objectifs militaires, Israël ne peut se soustraire à ses responsabilités en vertu du DIH : ni en invoquant la légitime défense ou les représailles, ni par des mesures dites préventives censées limiter les pertes civiles (comme des avis d’évacuation) mais qui sont inadaptées ou inefficaces, ni en plaidant l’erreur à de multiples occasions. Idem avec l’utilisation de programmes d’intelligence artificielle pour identifier des cibles militaires qui, sans la nécessaire supervision humaine (comme révélé dans plusieurs reportages5) ne font qu’intensifier une violence aveugle contre les civils et le personnel humanitaire.

« Mais le Canada a défendu le droit international humanitaire à Gaza, non ? »

Certes, le respect du DIH a été demandé, de « vives préoccupations » ont été exprimées, un cessez-le-feu temporaire a été exigé, mais la plupart des alliés d’Israël, et en premier lieu les États-Unis et le Canada, n’ont pas cessé leur soutien moral, militaire et matériel à cette offensive, allant jusqu’à remettre en question la légitimité des ordonnances de la Cour internationale de justice. Des équipements militaires sont encore exportés6, aucune sanction économique n’est appliquée, les liens diplomatiques ne sont pas remis en question.

Rappelons qu’en vertu des conventions de Genève de 1949, les États tiers à un conflit ont l’obligation de faire tout ce qui est raisonnablement en leur pouvoir afin que celles-ci soient respectées7.

Les intérêts protégés par le DIH sont d’une importance si fondamentale pour l’humanité que chaque État a un intérêt juridique à leur protection, quel que soit le conflit et quelles qu’en soient les victimes. La manière dont Israël conduit cette guerre et le « laisser-faire » de ses alliés, dont le Canada, sont en train d’éroder les principes de la protection des civils et la capacité des organisations humanitaires comme les nôtres à leur porter secours.

Passer de la parole aux actes, avec plus de fermeté, permettrait au Canada de maintenir avec crédibilité sa « longue tradition d’appui aux efforts humanitaires dans le monde entier » soulignée dans le dernier budget fédéral pour qu’à Gaza, comme ailleurs, puissent être sauvées les vies innocentes captives des conflits.

1. Lisez « Unexploded bombs, a long-term threat to life in Gaza » (en anglais) 2. Lisez « Gaza Civilians, Under Israeli Barrage, Are Being Killed at Historic Pace » (en anglais) 3. Lisez « Les équipements médicaux “volontairement détruits” dans les hôpitaux de Gaza » 4. Lisez « Press Statement on Humanitarian Workers and Threat of Famine in Gaza » 5. Lisez « “L’Évangile” qui soulève des enjeux moraux » 6. Lisez « Canadian arms ban on Israel : Step in the right direction but no silver bullet » 7. Consultez les bases de données de droit international humanitaire Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue