Hier, mon téléphone a sonné. C’était ma mère : « Ma chouette, Marc* s’est enlevé la vie. » Je ne cherche pas à trouver de coupable. Cependant, je me permets de me questionner et de vous questionner : qui est responsable du déclin de la santé mentale ?

Malgré les nombreuses réformes, la santé mentale des Québécois continue à se détériorer. Les obstacles persistent face à l’accès aux soins et la pénurie de psychologues complique la situation.

En tant qu’étudiante diplômée d’un baccalauréat en psychologie, je me sens impuissante face à cette problématique et constate que mon expérience acquise dans cette formation n’est pas exploitée à son juste potentiel.

Ironiquement, il est reconnu que seulement 2 à 3 % des bacheliers poursuivront au doctorat, laissant les 97 % restants sans rôle spécifique dans notre système de santé. Ne devrait-on pas reconsidérer les exigences de formation pour les psychologues ?

Le ministre Lionel Carmant prévoit, depuis deux ans, d’engager plus de psychologues afin de diminuer la liste d’attente. Cependant, Karine Gauthier, psychologue et présidente de la Coalition des psychologues du réseau public québécois, a raison. À quoi bon investir pour former plus de psychologues si les conditions dans le secteur public ne s’améliorent pas ? Le problème initial réside dans le système public lui-même.

Le gouvernement a une mentalité curative plutôt que préventive, prônant l’idéologie de « faire plus avec moins ». On ne parle pas d’une usine de production ici, on parle de la santé mentale des gens. La qualité des soins devrait primer la quantité de patients soignés.

Ce n’est pas nouveau, les hôpitaux sont remplis, les délais d’attente aux urgences sont interminables, les médecins et les infirmières sont débordés. Cependant, selon la Fédération des omnipraticiens du Québec, « 40 % des consultations médicales sont reliées à des problématiques de santé mentale ». Cela dit, les professionnels dans les hôpitaux ne sont pas formés pour fournir du soutien psychologique adéquat.

Le nouveau projet de loi 15, qui a comme objectif de « rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace », omet curieusement le mot « psychologue » parmi ses 308 pages.

Cela soulève des questions sur la prise de conscience réelle du gouvernement quant à l’importance de la santé mentale dans le système de santé. N’oubliez pas que, oui, un bras cassé nécessite des soins immédiats et urgents, mais parfois, la santé mentale d’une personne nécessite également cette même attention urgente. Marc, un ami très cher de ma famille avec qui nous avons partagé de nombreux moments au cours des derniers mois, notamment après une rupture amoureuse qu’il a vécue, n’aurait pas pu attendre 6 à 24 mois avant de recevoir de l’aide psychologique.

Des chiffres qui parlent

Puisque tout est une question d’argent au sein du gouvernement, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il est prouvé que la psychothérapie pourrait faire diminuer de 22 % les coûts d’hospitalisation et réduire de 42 % les journées de maladie des patients. Alors, pourquoi ne pas investir auprès de vos psychologues du secteur public afin de libérer de la place dans vos hôpitaux ? Bien que le Québec ait le plus grand nombre de psychologues par habitant, les psychologues doivent se demander : « À quoi bon continuer à travailler au public, s’il est possible de faire jusqu’à 44 % plus de revenus en travaillant au privé ? »

Les syndicats reconnaissent la crise liée au manque de psychologues, mais leur inaction soulève des préoccupations. Un syndicat réservé aux psychologues aurait pu jouer un rôle crucial lors des débats sur le projet de loi 15. Cependant, après mûre réflexion, je me dis : à quoi bon avoir un syndicat si, finalement, les projets de loi sont adoptés sous le bâillon ?

Je crois que nous avons assez souffert. Nous avons été trop patients et nous avons assez perdu d’êtres chers. Il est maintenant temps d’accueillir les vrais professionnels de la santé mentale dans votre système de santé défaillant.

« Cher gouvernement, votre essai gratuit est maintenant terminé, il est temps de payer suffisamment vos psychologues ou de déléguer. » — La population

Les victimes passent à l’action avant que le gouvernement agisse. Actuellement, et depuis longtemps, il y a une moyenne d’environ 20 000 personnes espérant recevoir, d’ici peu, des soins et des services en santé mentale. Cette liste diminue non pas à cause des désistements, mais parce que certaines personnes la quitteront de la même manière que Marc nous a quittés. Il a laissé sa place sur cette liste, mais ses proches devraient maintenant s’y ajouter… si ce n’était pas déjà fait.

À mes yeux, Marc était une victime. Une autre victime de notre système défaillant qui néglige l’importance de la santé mentale. Repose en paix, Marc.

*Nous utilisons un pseudonyme afin de préserver son anonymat.

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