Durant le temps des Fêtes, vous reverrez peut-être ce grand classique qu’est Dans une galaxie près de chez vous et réentendrez cette fameuse réplique du capitaine Patenaude : « l’homme est un singe avec des clés de char ». Ce serait drôle si ce n’était pas si vrai. L’actualité de 2023 regorge d’exemples prouvant que nous vivons dans une société à deux poids, deux mesures quand il est question de transport.

Cet automne, j’ai découvert les travaux de Marion Voisin et Jean Dubé, de l’Université Laval, qui ont démontré que pour chaque dollar dépensé par un individu pour un déplacement en voiture, la société paye 5,77 $, comparativement à 1,21 $ pour le transport collectif et 0,22 $ pour le transport actif. Les coûts collectifs découlant de la voiture incluent la construction et l’entretien de routes, tout comme les pertes de temps, la pollution et les accidents. Puisque nous disposons de telles données, comment se fait-il que nous ayons passé l’année 2023 à jouer dans un mauvais film et à nous faire servir les pires répliques quant au financement du transport collectif ?

En février dernier, je signais dans ces pages une lettre ouverte intitulée « Prochaine station : ambition⁠1 ». J’aurais plutôt dû inviter à prendre la direction de la raison, tellement les exemples des deux poids, deux mesures ont été nombreux.

Si on peut se réjouir qu’en matière d’infrastructure, les investissements en transport collectif aient rattrapé ceux du réseau routier, le fond du problème reste enfoui profondément, sous une couche d’asphalte. Année après année, le budget opérationnel du ministère des Transports – et de la Mobilité durable ! – continue d’être englouti par les coûts exponentiels de l’entretien et du maintien des actifs routiers. Mais ça, ça passe sous le radar !

Il y a des urgences, pensons au pont de l’Île-aux-Tourtes, mais ce qui est choquant, c’est l’absence totale de débat et ce réflexe du « tout à l’auto » qui perdure. Et pendant ce temps, on fait la leçon aux sociétés de transport et aux élus municipaux.

On demande sans cesse au transport collectif d’être rentable, performant, consensuel et fréquenté (même dès le jour 1, alors que l’on sait qu’en transport durable, l’offre doit venir avant la demande). De l’autre côté, on dépense des milliards en autoroutes sans attendre de retour sur investissement, on évite le débat d’un simple péage dans les projets publics et on donne l’illusion aux automobilistes que la taxe sur l’essence paye pour l’entretien complet du réseau.

L’été dernier, on a fait grand bruit de la pollution sonore du REM et on a dénoncé la lenteur de CDPQ Infra à intervenir dans les situations d’urgence. Exiger des améliorations est tout à fait légitime, bien qu’il soit choquant que, simultanément, des problèmes bien plus graves liés aux émissions des voitures ne fassent pas les manchettes.

En amont de la COP28, nos autorités de santé publique ont lancé un cri d’alarme en rappelant qu’au Québec, 110 décès par année sont liés aux émissions de polluants dans l’air par les automobiles et les camions légers.

Encore et encore, c’est deux poids, deux mesures pour beaucoup d’hommes ou de femmes avec des clés de char et pour les élus qui craignent de leur déplaire.

Pourtant, devant un parc automobile dont le poids est en constante augmentation, c’est envers le transport collectif qu’il faudrait tourner nos mesures les plus structurantes et ambitieuses.

Avant de devoir noliser un Romano Fafard* pour « sauver six milliards de tatas » (ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les premiers mots du film), on doit faire primer la raison et l’objectivité. C’est peut-être dans la prochaine année qu’une fois pour toutes, les fameux cartables l’emporteront sur la conjoncture électorale.

J’y crois, dans une galaxie près de chez nous.

* Nom du vaisseau spatial de Dans une galaxie près de chez vous

1. Lisez « Transport collectif : prochaine station : ambition » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue