Chaque jeudi, nous revenons sur un sujet marquant dans le monde, grâce au recul et à l’expertise d’un chercheur du Centre d’études et de recherches internationales, de l’Université de Montréal, ou de la Chaire Raoul-Dandurand, de l’UQAM.

Depuis l’Accord de Paris de 2015, qui fixe les objectifs, encadre et encourage l’action internationale, les COP sur le climat croulent sous le poids de leur propre complexité. La COP28 de Dubaï s’annonce comme celle de la démesure – on y attend une fréquentation record –, paradoxalement présidée par un haut dirigeant d’entreprise pétrolière et gazière. Que faire de ces COP sur le climat ?

Le climat s’emballe et nos diplomates s’enlisent. Les températures mondiales sont les plus élevées jamais enregistrées, nous suffoquons sous la fumée de nos forêts qui brûlent, de grandes parties du monde sont dévastées par les incendies et les inondations et des travailleurs de la construction meurent de coups de chaleur en Inde, dans le golfe Persique et partout ailleurs. La panique vous guette ? Moi aussi.

Que faire de ces COP, ces grands-messes annuelles sur le climat, dont on aimerait tant qu’elles « sauvent la planète » une fois pour toutes, mais dont les échecs successifs ne font qu’alimenter notre écoanxiété et un sentiment de grande colère. Cette année, quelque 90 000 personnes – politiciens, diplomates, gens d’affaires, scientifiques, représentants d’ONG – y sont attendues. « Honnêtement, je préférerais que ces personnes restent chez elles et fassent leur travail », a récemment déclaré, excédée, celle qui a été l’une des architectes de l’Accord de Paris, Christiana Figueres.

Les COP sur le climat sont devenues de très étranges happenings mondiaux où se succèdent des feux d’artifice d’engagements de centaines d’acteurs, petits et grands, de pep talks sur le thème de « on est capable » et de déclarations de scientifiques à bout de nerfs porteurs de nouvelles catastrophiques.

S’il est vrai qu’il n’est pas nécessaire que des dizaines de milliers de personnes brûlent chaque année des tonnes de kérosène pour aller sauver une planète qui brûle, les COP ont encore et toujours leur raison d’être. À un enjeu mondial, nous sommes condamnés à rechercher des solutions globales. Mais encore faut-il que le fonctionnement même des COP soit profondément réformé.

Repenser les COP

Tout d’abord, nos attentes envers les COP doivent changer. Aucune conférence ne pourra « sauver le monde ». C’est pourtant ainsi qu’elles sont régulièrement dépeintes. Avec l’Accord de Paris, nous savons maintenant ce qu’il faut faire – réduire les émissions à zéro, s’adapter et trouver les façons de financer le tout. Ce qui reste à négocier relève de la mécanique. L’enjeu, aujourd’hui, est celui de la mise en œuvre sur le terrain, « faire son job », pour reprendre les propos de Christiana Figueres.

Deuxièmement, il faut respecter les engagements pris. Les COP sont trop souvent utilisées comme de gigantesques séances photo pour leaders cherchant à briller devant les caméras et sur les écrans de nos téléphones portables. On s’engage à contrer la déforestation, à réduire les émissions de méthane, à protéger les mangroves, à développer l’hydrogène, à transférer les ressources nécessaires vers les pays vulnérables et à collaborer lors de catastrophes climatiques. C’est bien. Mais ce serait encore mieux si tous ces engagements étaient respectés.

PHOTO HANNAH MCKAY, ARCHIVES REUTERS

Manifestation en marge de la COP26, à Glasgow, en 2021

Un grand classique : à la COP26 de Glasgow, le premier ministre Justin Trudeau a livré un « autre engagement majeur » : « Nous allons imposer un plafond sur les émissions du secteur pétrolier et gazier, dès aujourd’hui, et veiller à ce qu’elles diminuent demain au rythme et à l’échelle nécessaires pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. » Bien évidemment, le Canada n’a pas imposé un tel plafond « dès aujourd’hui », la réglementation en ce sens n’a même pas encore été adoptée, encore moins mise en vigueur.

Désolons nous également des reculs récents du gouvernement Trudeau sur la tarification du carbone, une politique pourtant brandie à l’international comme la principale contribution du Canada à la réduction des émissions.

Finalement, et ceci découle de ce qui précède, il faut que les COP deviennent des endroits où les leaders prennent des décisions – et non plus de simples engagements – et en soient responsables. Après 27 COP consécutives, ont écrit en mars dernier une douzaine de spécialistes des négociations climatiques, dont l’ancienne ministre de l’Environnement du Canada Catherine McKenna, « tous les efforts doivent n’avoir qu’un seul objectif : répondre aux attentes ».

Aller aux COP pour les bonnes raisons

L’action s’est aujourd’hui déplacée dans chacune de nos villes, de nos États, de nos entreprises et de nos organisations. C’est là que le gros du travail doit désormais se faire.

Les COP demeureront tout de même importantes. Elles focaliseront l’attention, permettront les échanges et serviront de tribunes pour annoncer des décisions qui auront des impacts immédiats.

Dans ce contexte, les gouvernements, les entreprises et les organisations qui choisissent d’y participer ne peuvent plus s’y présenter les mains vides, ou seulement armées de belles paroles adaptées aux circonstances.

On y va si on a quelque chose à apporter.

Sinon, on reste chez soi.

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