On m’a toujours enseigné l’importance de faire des choix éclairés, des choix qui tiennent compte de mes besoins tout en respectant ceux des autres, des choix justes et « intelligents ».

Faire des choix, donc, et en assumer les conséquences. Pourquoi serait-ce différent pour nos choix de société ? Comment se fait-il que comme société, globalement, nous nous dédouanions des conséquences de nos choix ?

Probablement parce que nous sommes surprotégés, privilégiés, que nous sommes une société de grands enfants – « gâtés-pourris », comme le disait ma mère. Nous aspirons à une vie reposant sur la facilité, l’esthétisme, l’efficacité et la performance. Il en va de même en ce qui concerne notre chaîne d’approvisionnement alimentaire.

Cette soif de facilité absolue au détriment de la qualité et des valeurs qui devraient nous être primordiales, comme société, mais ultimement comme êtres humains, nous empêche de faire des choix qui ont du sens.

Comment est-il possible que nous consommions toujours les mêmes fruits, les mêmes légumes, les mêmes denrées plus suremballées les unes que les autres, vendus hors saison, et qui proviennent de l’autre bout de la planète ? La réponse est simple : parce que nous en avons fait le choix.

Même si nous en payons et payerons le prix sur le plan de la pollution de l’air, de l’eau et des sols, cela reste encore trop abstrait. C’est encore une fois l’illusion que les bénéfices découlant de nos choix individuels semblent supérieurs par rapport à leurs conséquences.

Comme enseignant, chef de cuisine et père de famille, je prône la saisonnalité, la consommation locale, le respect des producteurs qui sont les artisans derrière ce que nous mangeons, la valeur du sol qui nous nourrit. Vous voyez le topo.

Tous ces beaux principes, presque romantiques, me sont fort utiles lorsque vient le temps d’arrêter mon choix sur un produit alimentaire.

Malgré tout, il y a un principe qui est, selon moi, évacué trop souvent de l’équation : celui de consommer de façon variée. C’est-à-dire qu’en plus de consommer les produits que la saison nous offre, issus d’une ferme près de chez nous, nous devrions veiller à ne pas toujours consommer les mêmes aliments. Nous pourrions limiter ainsi la catastrophe écologique qu’est la dégradation des sols.

Faites le test vous-même : combien de variétés de pommes connaissez-vous ? Probablement six ou sept, tout au plus, celles que l’on voit toujours sur les étalages du supermarché.

Saviez-vous qu’il existe au-delà de 7500 variétés répertoriées et cultivées dans le monde ?

Combien de variétés de poires connaissez-vous ? Trois ou quatre ? Sachez qu’il en existe au-delà de 2000 répertoriées.

Nous avons sélectionné celles qui nous convenaient le plus, pour différents facteurs, qui parfois sont somme toute assez futiles (mais pas toujours), mettant ainsi une pression énorme sur la chaîne d’approvisionnement, forçant les producteurs à suivre le diktat des principaux acteurs du commerce de détail.

Or, la monoculture intensive et de masse fait péricliter l’une de nos plus grandes richesses : la Terre. La pomme et la poire ne sont que deux exemples parmi tant d’autres. Il en va de même pour plusieurs autres fruits et légumes.

Prenez les légumineuses : le Québec en est l’un des principaux producteurs mondiaux. Pourtant, bien qu’elles soient l’une des meilleures solutions de rechange pour varier notre alimentation, nous faisons piètre figure sur le plan de la consommation par personne.

Chaque fois que j’évoque cela, on me chante la même ritournelle : que ce n’est pas bon, que c’est long à préparer, qu’on ne sait pas quoi faire avec, etc. J’ai moi-même découvert un monde incroyable en étant forcé de m’y intéresser lors de la finale du concours du Bocuse d’or en janvier 2023.

L’un des sujets imposés était de travailler une légumineuse typique de notre pays. Je vous avouerai que les membres de l’équipe et moi-même avons dû chercher pour trouver quoi présenter et comment le mettre en valeur. Ça donne une bonne idée à quel point nous ne connaissons rien de cet univers qu’est la légumineuse. En accompagnement, comme plat, en salade, en ragout ou même en substitut de produits carnés, ce sont d’immenses possibilités qui s’offrent à nous. Pourtant, nous ne les exploitons pas.

Cessons de nous aveugler et de nous complaire dans la facilité et l’aisance alimentaires. Décidons de ce que nous voulons. Prenons la décision de ne plus laisser les géants de ce monde alimentaire nous dicter ce que nous devons manger et comment nous devons le manger. Assumons notre besoin de léguer une terre saine aux générations futures. Acceptons collectivement de vivre nos cycles saisonniers avec ces variétés de produits offerts et leurs défis à relever. Faisons des choix éclairés. Comme société, nous y avons droit.

Je dirais même que c’est un devoir.

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