L’an dernier, à pareille date, le Québec a emboîté le pas en offrant la vaccination universelle gratuite contre la grippe afin de contrer l’impact d’une triple épidémie de virus respiratoires (grippe, COVID-19 et virus respiratoire syncytial). Cette initiative a d’ailleurs été renouvelée pour la saison 2023-2024.

J’écris bien « emboîté le pas », car pendant longtemps, le Québec faisait bande à part au Canada pour la vaccination contre la grippe. Comme le démontre le tableau comparatif de 2023⁠1 du financement public pour la vaccination contre la grippe par province, toutes les provinces et tous les territoires canadiens offrent maintenant un financement public. Ce même tableau en 2020⁠2 présentait une situation très différente alors que le Québec offrait du financement uniquement à quelques groupes cibles, contrairement à la majorité des autres provinces.

Alors que certaines données provenant d’Australie suggèrent que la saison de grippe à venir pourrait de nouveau être virulente, le Québec offre donc à tous et à toutes, pour cette année du moins, le vaccin gratuit contre la grippe. La couverture vaccinale demeure toutefois une aberration comparativement aux autres provinces, comme le démontrent plusieurs études et des sondages de Statistique Canada⁠3,4. Si plusieurs raisons expliquent cette disparité, la gratuité en est assurément une.

Le Comité de l’immunisation du Québec (CIQ) émet des avis scientifiques sur la vaccination contre la grippe en fonction de plusieurs données, provenant notamment d’analyses économiques. Grossièrement, celles-ci permettent d’identifier les programmes les moins dispendieux pour sauver une vie. Bien qu’elles soient pertinentes pour les décideurs, ces analyses ne se concentrent pas sur le vrai problème.

Or, au Québec, il ne s’agit pas d’un enjeu financier : c’est plutôt un enjeu de capacité. Notre système ne répond plus à la demande, et ce, depuis plusieurs années déjà.

Alors que le système de santé québécois est déjà sous forte pression et que notre population est vieillissante, ne devrait-on pas travailler à réduire cette demande ? Sachant que la vaccination diminue l’intensité des symptômes et prévient des séjours à l’hôpital (et des décès), elle devient une mesure primordiale pour le Québec, surtout en pleine période de pointe pour les hôpitaux.

On m’interpelle régulièrement pour me demander pourquoi les vaccins n’ont pas empêché d’attraper la grippe. Ces personnes semblent bien souvent ne pas cerner l’impact concret du vaccin sur l’atténuation des symptômes. Face à cette perception d’inefficacité des vaccins contre la grippe, les Centres de prévention et de lutte contre les maladies des États-Unis ont d’ailleurs déployé une campagne de communication astucieuse en vue de la saison de la grippe. Imagée, la campagne « Wild to Mild » met de l’avant qu’une personne vaccinée qui attrapera la grippe aura plus de chances d’affronter un chaton (symptômes faibles) au lieu d’un lion (symptômes sévères). À vous de choisir votre adversaire !

IMAGE TIRÉE DU SITE INTERNET DES CENTRES DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LES MALADIES DES ÉTATS-UNIS

Les Centres de prévention et de lutte contre les maladies des États-Unis ont lancé une campagne pour expliquer aux Américains que les symptômes de la grippe sont atténués par la vaccination.

Étant donné l’état actuel de notre système de santé, la gratuité de la vaccination contre la grippe représente un investissement en santé publique absolument incontournable, particulièrement pour les clientèles plus susceptibles de subir des conséquences graves d’une grippe, comme les personnes de 65 ans et plus. En effet, en fonction de la saison de grippe, le risque d’hospitalisation chez les personnes de 65 ans et plus est beaucoup plus élevé que chez les personnes âgées de 45 à 64 ans. Lors de certaines saisons, ce risque peut même être 7 à 9 fois plus élevé⁠5.

En plus de sauver des vies, la vaccination s’avère rentable pour notre système de santé. Une personne qui se présente à un hôpital pour des soins représente une dépense pour le Québec. Si elle ne se présente pas, c’est une dépense de moins. Tout le monde y gagne.

Il est grand temps que le programme de vaccination universelle contre la grippe au Québec soit pérennisé. Et ce programme doit être accompagné d’une campagne de communication efficace afin de doubler la couverture vaccinale actuelle.

1. Consultez le tableau comparatif de 2023 du financement public pour la vaccination contre la grippe par province 2. Consultez le tableau comparatif de 2020 du financement public pour la vaccination contre la grippe par province 3. Consultez une analyse sur le taux de vaccination contre la grippe chez les Canadiens avant et pendant la pandémie (en anglais) 4. Consultez une étude de Statistique Canada 5. Consultez le Rapport annuel national sur la grippe au Canada en 2021-2022 Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue