Les auteurs, pour la plupart maires ou députés de l’Est-du-Québec, s’adressent à la Commission de la représentation électorale afin d’éviter que leur coin de pays perde un siège à l’Assemblée nationale.

C’est sans surprise, mais avec tout de même une grande déception, que nous avons pris acte de la nouvelle proposition de délimitation avancée par la Commission de la représentation électorale du Québec. Selon cette dernière, l’Est-du-Québec subirait encore une fois une diminution de sa représentation politique, et ce, à cause de sa ruralité, en perdant une circonscription et en modifiant la délimitation d’autres sans respect aucun des communautés.

Comme c’est maintenant coutume pour les circonscriptions de l’Est de la province lors des exercices de révision des circonscriptions électorales, la Commission propose de diminuer le poids politique du territoire et de créer d’immenses circonscriptions qui ne respectent pas les institutions locales et régionales. Avec sa proposition, la Commission soumet le territoire à une logique strictement mathématique, comptable, sans tenir compte des réalités sociales, économiques, culturelles et administratives qui forgent l’identité de ses communautés.

Elle en occulte même les articles de la Loi électorale d’ordre qualitatif qui stipulent que la circonscription doit représenter « une communauté naturelle établie en se fondant sur des considérations d’ordre démographique et sociologique, telles que la densité de la population, le taux relatif de croissance de la population, l’accessibilité, la superficie et la configuration de la région, les frontières naturelles du milieu ainsi que les territoires des municipalités locales⁠1 ».

L’abolition d’une circonscription est une perte démocratique qui va au-delà de la disparition d’une voix à l’Assemblée nationale. La vie démocratique ne s’active pas qu’une fois tous les quatre ans, mais à tous les instants des communautés.

Les députés et députées participent activement à la construction de cette identité collective et à l’arrimage entre les services provinciaux et la population. La perte d’une circonscription représenterait un recul dont les conséquences néfastes ne seraient pas que théoriques.

La représentation effective des réalités rurales est ainsi largement diminuée par l’augmentation de la taille des circonscriptions. Les défis particuliers de la députation de ces vastes territoires sont immenses. La capacité pour les élus de représenter adéquatement la population de leur circonscription, de défendre et soutenir les intérêts des citoyens et citoyennes, des entreprises et des organismes s’en trouverait d’autant réduite. Ce déficit de représentation effective serait décuplé par la difficulté de développer des liens entre les députés et la multitude d’acteurs sociaux, politiques et économiques de leur immense circonscription dont le territoire, à défaut d’être densément peuplé, demeure largement habité.

Dans un monde de plus en plus urbanisé, l’Est-du-Québec doit défendre ses acquis et se porter à la défense du monde rural, de ses habitants et de ses institutions. Pour se développer, se diversifier et s’épanouir, les communautés rurales doivent bénéficier d’un environnement leur permettant de réaliser leurs ambitions. La proposition de la Commission d’abolir une circonscription en Gaspésie et d’en modifier la délimitation d’autres constituerait un recul inacceptable pour les élus de l’Est-du-Québec.

C’est pourquoi le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie se sont mobilisés pour défendre leurs acquis. Ils unissent désormais leurs voix en demandant à la Commission de reconnaître le caractère rural et particulier de ce territoire et de revoir sa proposition afin de préserver les circonscriptions qui lui sont dévolues.

Nous nous élevons aujourd’hui pour conserver les acquis de l’Est-du-Québec, mais nous le faisons à plus large part pour la ruralité, pour l’occupation du territoire, pour sa vitalité, pour sa survie. Nous ne pouvons laisser passer un tel affront à la vie démocratique.

La richesse d’une nation repose dans tout ce qu’elle peut offrir, dans sa diversité, dans ses gens et son territoire. Elle ne peut devenir que le reflet de son urbanité et de ses banlieues. Le Québec est riche de son Montréal, de sa Capitale-Nationale, mais il l’est également de sa Gaspésie, de son Bas-Saint-Laurent, de sa Côte-Nord, de son Abitibi, de son Saguenay, de son Lac-Saint-Jean, bref, de tout son territoire. Avec des positions comme celle de la Commission, c’est toute la région qui perd une voix. C’est la ruralité qui perd une voix. Et demain, ce sont toutes les autres régions qui perdront la leur.

1. Passage tiré de la Loi électorale du Québec

*Voici la liste complète des signataires:
Amélie Dionne, députée de Rivière-du-Loup-Témiscouata, Andrew Turcotte, maire de Sainte-Félicité et préfet de la MRC de La Matanie, Ashley Milligan, mairesse de Cascapédia-St-Jules, Bertin Denis, préfet de la MRC Les Basques, Bruce Wafer, maire d’Escuminac, Bruno Paradis, maire de Price, préfet de la MRC de La Mitis et président de la TREMBSL, Catherine Blouin, députée de Bonaventure, Cathy Poirier, mairesse de Percé, Chantale Lavoie, préfète de la MRC de La Matapédia, Christian Cyr, Président de la commission régionale du PLQ pour la Gaspésie, Claude Bélanger, maire de Saint-Maxime-du-Mont-Louis, Cynthia Dufour, mairesse de Saint-Alexis-de-Matapédia, Daniel Côté, maire de Gaspé et préfet de La MRC Côte-de-Gaspé, David Ferguson, maire de Ristigouche-Partie-Sud-Est, David Thibault, maire de New Carlisle, Délisca Ritchie Roussy, mairesse de Murdochville, Denis Blais, maire de Témiscouata-sur-le-Lac, Denis Gauthier, maire de Saint-Siméon, Doris Deschênes, mairesse de Saint-André-de-Restigouche, Eddy Métivier, maire de Matane, Éric Dubé, maire de New Richmond et préfet de la MRC Bonaventure, Francis St-Pierre, maire de Saint-Anaclet et préfet de la MRC de Rimouski-Neigette, Gérard Litalien, maire de Saint-Godefroi (Canton), Gino Cyr, maire de Grande-Rivière, Guy Bernatchez, préfet de la MRC de La Haute-Gaspésie, Guy Caron, maire de Rimouski, Hazen Whittom, maire de Hope, Jean-Claude Landry, maire de Maria, Joël Arseneau, député des Îles-de-la-Madeleine, Joël Côté, maire de Sainte-Madeleine-de-la-Rivière-Madeleine, Josiane Appleby, mairesse de Saint-Alphonse, Linda MacWhirter, mairesse de Hope Town, Lise Castilloux, mairesse de Caplan, Ludovic Landry-Ducharme, président de l’exécutif local du Parti Québécois dans la circonscription de Gaspé, Magella Emond, maire de Mont-Saint-Pierre, Maïté Blanchette Vézina, ministre responsale des régions du Bas Saint-Laurent et de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine et députée de Rimouski, Marc Loisel, maire de Paspébiac, Marcel Soucy, maire de Cap-Chat, Mario Bastille, maire de Rivière-du-Loup, Martin Soucy, maire de Mont-Joli, Mathieu Lapointe, maire de Carleton-sur-Mer et préfet de la MRC Avignon, Mathieu Rivest, député de Côte-du-Sud, Michel Lagacé, maire de Saint-Cyprien, préfet de la MRC de Rivière-du-Loup, Monika Tait, mairesse de Petite-Vallée, Natacha Larocque, coordinatrice du comité de coordination de Québec solidaire de Bonaventure, Nicole Lagacé, mairesse de Matapédia, Noël Richard, maire de Grande-Vallée, Pascal Bérubé, député de Matane-Matapédia, Paquerette Poirier, maire de Saint-Elzéar, Philippe Guilbert, maire de Trois-Pistoles et vice-président de la TREMBSL, Rachel Dugas, mairesse de Nouvelle, Rémi Lagacé, maire suppléant de Saint-François-d’Assise, Renée Gasse, mairesse de Marsoui, Roberto Blondin, maire de Sainte-Thérèse-de-Gaspé, Roch Audet, maire de Bonaventure, Rolande Couture-Beebe, mairesse de Shigawake, Samuel Parisé, préfet de la MRC du Rocher-Percé, Serge Pelletier, préfet de la MRC de Témiscouata, Simon Deschênes, maire de Sainte-Anne-des-Monts, Solange Morneau, mairesse de Saint-Pascal, Stéphane Sainte-Croix, député de Gaspé, Sylvain Roy, préfet de la MRC de Kamouraska, Sylvie Blanchette, mairesse d'Amqui et membre de l’exécutif de la TREMBSL, Vincent Bérubé, maire de La Pocatière et Yves Sohier, maire de La Marthe

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