Depuis près de deux semaines, nos organisations humanitaires assistent, consternées et impuissantes, à une effroyable escalade de la violence et de la terreur en Israël et en territoire palestinien. L’horreur sans précédent des attaques ciblées sur des centaines de civils en Israël s’est déplacée sur les civils gazaouis dans une logique de représailles indiscriminées. Et tout porte à croire que rien ni personne ne sera épargné. Nos collègues à Jérusalem et à Gaza nous témoignent quotidiennement de la gravité sans précédent de la situation : près de 5000 morts dont plus de 1000 enfants et 18 000 blessés, plusieurs centaines de civils détenus, des travailleurs humanitaires et journalistes tués, et des centaines de corps toujours enfouis sous les décombres.

À Gaza, plus de 12 000 blessés ont besoin de soins alors que 51 attaques sur des services de santé ont été documentées. La plus récente et la plus grave, le bombardement de l’hôpital Al-Ahli de Gaza, mardi dernier, a entraîné la mort immédiate de plus de 500 personnes, en majorité des enfants. Ces attaques délibérées sur la population civile et les services essentiels sont intolérables et doivent cesser maintenant, comme l’exige le droit international humanitaire.

L’impossible survie des Gazaouis

Jour après jour, l’étau de la violence se referme et l’enclave palestinienne se voit un peu plus coupée du monde. Les réseaux de télécommunications ainsi que les routes et les stations d’épuration ont été bombardés. L’accès à l’eau potable est désormais presque épuisé, ce qui augmente drastiquement le risque d’épidémie de maladies infectieuses mortelles, comme le choléra. À Rafah, à la frontière avec l’Égypte, femmes, enfants et hommes sont entassés dans des refuges de fortune à l’intérieur des écoles dans des conditions d’insalubrité innommables.

Concrètement, 2,2 millions de personnes sont à risque de mourir de faim, de maladie ou sous une bombe.

Ce risque est imminent, réel et intolérable, alors que, face à une violence extrême et généralisée, l’acheminement de l’aide humanitaire est actuellement impossible. Nos équipes sur le terrain tentent tant bien que mal de s’organiser même si elles sont elles-mêmes déplacées et doivent prendre soin des leurs. À ce jour, 36 travailleurs humanitaires ont été tués. Les camions remplis d’eau, de nourriture et de médicaments sont toujours bloqués à la frontière.

Protéger la population et acheminer l’aide 

Depuis plusieurs jours, nos organisations et de nombreuses autres appellent les parties impliquées et les dirigeants mondiaux à donner, envers et contre tout, la priorité à la préservation de la vie humaine, car toute autre attitude sera à jamais une tache sur notre conscience collective.

La situation à Gaza exige un cessez-le-feu immédiat. Les récentes négociations internationales permettant l’entrée de l’aide par l’Égypte sont un premier pas, mais largement insuffisant compte tenu de la gravité de la situation et des enjeux de sécurité. L’urgence actuelle est celle de protéger les civils palestiniens et israéliens ainsi que le personnel humanitaire des combats et des bombes.

De plus, nous sommes très inquiets de voir la situation s’embraser aux frontières d’Israël, de la Cisjordanie, du Liban et de la Syrie, ce qui laisse présager une crise humanitaire généralisée dans la région.

À titre d’organisations canadiennes neutres, impartiales et indépendantes, nous avons communiqué nos préoccupations auprès du gouvernement du Canada et notamment à la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, ainsi qu’au ministre du Développement international, Ahmed Hussen. Nous leur avons rappelé l’engagement du Canada en faveur du droit international humanitaire et son soutien envers les victimes des conflits à travers le monde.

Toutefois, les populations civiles prises au piège dans ce conflit n’ont plus le temps d’attendre. Le Canada a la responsabilité et la possibilité d’atténuer les souffrances humaines causées par cette crise. Exigeons un cessez-le-feu dès aujourd’hui pour protéger la population et afin que l’aide humanitaire puisse atteindre celles et ceux qui en ont besoin.

Parce que des millions de vies en dépendent. Parce que notre sens collectif de l’humanité en dépend.

* Nadja Pollaert (Médecins du Monde) et Anne Delorme (Humanité et Inclusion) sont également cosignataires de la lettre.

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