La hausse du coût de la vie a été le sujet chaud de la rentrée parlementaire à Québec. L’itinérance est en forte augmentation et plusieurs banques alimentaires n’arrivent plus à répondre à une demande croissante. En pleine crise du logement, les personnes en situation de pauvreté sont particulièrement prises à la gorge et, plus que jamais, doivent couper dans l’essentiel.

Des mesures à la pièce et mal ciblées

Aux personnes qui lui reprochent son inaction, le premier ministre aime bien rappeler les mesures qu’il a prises pour « remettre de l’argent dans les poches des Québécois ». C’est vrai qu’il en a remis… mais surtout dans les poches de personnes plus riches. N’oublions pas que la baisse d’impôt annoncée dans le dernier budget permettra de retourner 814 $ (par année) aux personnes gagnant plus de 98 540 $, alors que les plus pauvres n’y gagneront rien.

Pour ce qui est des aides ponctuelles, rappelons qu’elles ne visaient qu’à ralentir l’appauvrissement causé par la hausse du coût de la vie. De l’argent bien vite dépensé par les personnes en situation de pauvreté, pour couvrir des besoins essentiels. Et là encore, les personnes gagnant 100 000 $ en avaient-elles vraiment besoin ?

Pour le reste, le premier ministre demande à tous ceux et celles qui en arrachent d’attendre la mise à jour économique du 7 novembre. De nouveaux investissements dans le logement « social et abordable » pourraient y être annoncés, de même que de nouvelles mesures pour gérer la crise de l’itinérance. Il a aussi ouvert la porte à de nouvelles aides spéciales, pour des groupes « plus vulnérables ».

Pour un vrai plan de lutte contre la pauvreté

Mais devant l’ampleur de la crise, le gouvernement ne peut plus se contenter de saupoudrer quelques mesures à la pièce pour colmater temporairement les brèches les plus béantes. Pour permettre à tout le monde de vivre dans la dignité, il doit doter le Québec d’un plan de lutte contre la pauvreté qui soit cohérent et ambitieux.

Justement, la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau, doit déposer le quatrième plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté l’hiver prochain.

Voilà une belle occasion pour le gouvernement de démontrer qu’il n’est pas déconnecté des personnes en situation de pauvreté. Comme c’est tout le monde, au Québec, qui est censé avoir droit à un niveau de vie décent, il ne devra viser rien de moins que la sortie de la pauvreté pour l’ensemble de la population québécoise. Ne pas le faire correspondrait à nier les droits de certaines personnes.

Différents moyens sont à la portée du gouvernement s’il veut présenter un plan de lutte contre la pauvreté digne de ce nom. Ils sont présentés en détail dans le mémoire que nous avons soumis dans le cadre de la consultation gouvernementale⁠1.

Un revenu suffisant pour couvrir ses besoins de base

Avant toute chose, le gouvernement devrait rehausser les protections publiques pour assurer à tout le monde un revenu au moins égal à la mesure du panier de consommation (MPC). Cela représente un minimum à atteindre de toute urgence ; un premier pas vers la sortie de la pauvreté. (N’oublions pas qu’il ne suffit pas de couvrir ses besoins de base pour ne plus vivre dans la pauvreté !)

Pour arriver à couvrir ses besoins de base tels que définis par la MPC, une personne seule avait besoin de 23 025 $ en 2022. Au Québec, près d’une personne sur dix dispose d’un revenu inférieur à cette somme. Ces centaines de milliers de personnes n’arrivent pas à manger ou à se loger convenablement et leur santé physique et mentale s’en trouve menacée.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Les pistes d’intervention sont nombreuses pour alléger le fardeau des personnes en situation de pauvreté. Parmi elles, le développement de places en CPE.

Des services publics de qualité et accessibles

Ensuite, on sait que l’accès à des services publics gratuits et de qualité peut faire toute la différence pour les personnes en situation de pauvreté. Mais ils ont été mis à mal par des années de coupes budgétaires et, dans son dernier rapport annuel, le Protecteur du citoyen dénonçait encore une fois de multiples problèmes d’accès, particulièrement pour les personnes « les plus vulnérables ». Un réinvestissement massif demeure donc nécessaire.

Par ailleurs, les pistes d’intervention sont nombreuses pour alléger le fardeau des personnes en situation de pauvreté. Pensons par exemple à la construction de logements sociaux, à l’inclusion des soins dentaires et de la vue dans les soins couverts par la RAMQ, au développement de places en CPE, au financement des services de transport collectif, etc.

Une meilleure redistribution de la richesse

Enfin, le gouvernement devrait viser la réduction des inégalités entre les plus riches et les plus pauvres et s’assurer que les plus riches paient leur juste part afin de financer, notamment, les services publics et les programmes sociaux. Malheureusement, il est allé exactement dans la direction inverse avec la baisse d’impôt qu’il a confirmée dans son dernier budget. En plus de contribuer à creuser les inégalités, cette mesure privera l’État d’un total de 9,2 milliards pour les cinq prochaines années.

Évidemment, il serait surprenant que le gouvernement renonce à cette baisse d’impôt. Mais nous espérons qu’il fera preuve de la même volonté politique quand viendra le temps de financer le prochain plan de lutte contre la pauvreté.

S’il estime avoir les moyens de se priver de 9,2 milliards de dollars d’impôt, de donner des milliards à des multinationales étrangères ou de ramener à la vie un projet bancal comme le troisième lien, il a sûrement les moyens de doter le Québec d’un vrai plan de lutte contre la pauvreté, qui ne laisse personne derrière.

1. Consultez le mémoire du Collectif pour un Québec sans pauvreté Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue