Depuis plus de 20 ans, je travaille avec des municipalités, des financiers et des citoyens pour créer de l’habitation. J’ai, bien entendu, une obligation de rendements envers mes investisseurs, mais au-delà de la mathématique des projets, c’est l’envie de contribuer à la réflexion globale sur la crise du logement qui m’amène à vouloir faire partager ma vision.

Alors que les gouvernements mesurent l’ampleur de la crise du logement et commencent à consacrer des ressources substantielles pour faire face à cette situation, je ne peux m’empêcher de penser que c’est un bon début, mais qu’il faudra une solution beaucoup plus structurante pour le long terme.

Certes, il est impératif de tout mettre en œuvre pour fournir un abri aux plus vulnérables. Il faut investir pour aider ceux qui, à court terme, luttent pour se loger, ceux qui peinent à joindre les deux bouts en consacrant une part disproportionnée de leurs revenus au logement. Il faut également réussir à augmenter le nombre de mises en chantier dans un contexte où les hausses de taux rendent les modèles économiques non viables.

Cependant, tous ces millions investis ne résolvent pas le problème de manière durable. Ils répondent à l’urgence de la crise, mais ne représentent pas des solutions pérennes.

Le nœud du problème réside dans l’accroissement constant du nombre de personnes ayant besoin d’une assistance gouvernementale d’année en année. À ce rythme, les gouvernements devront investir des milliards chaque année, sans perspective d’une sortie de crise, car les besoins continuent de croître de manière exponentielle.

Je ne dis pas qu’il ne faille pas le faire. J’applaudis l’attention qu’on porte enfin au besoin essentiel de se loger, car il est à la base de nombreux problèmes lorsqu’il est négligé.

Cependant, nous devons remettre en question notre rapport à l’habitation. Se loger comme se nourrir est un besoin primaire de la pyramide de Maslow. Les gouvernements ont toujours évité de taxer la nourriture, alors pourquoi vouloir taxer l’habitation qui est un besoin tout aussi primordial ?

Au-delà de la décision de suivre ou non la proposition fédérale de ne plus taxer les logements, j’espère que le Québec fera preuve d’une vision audacieuse, comme il l’a déjà fait par le passé. Nous avons démontré cette audace lorsque nous avons reconnu l’éducation supérieure comme un droit fondamental et avons mis en place un programme novateur de prêts et bourses, tout en maintenant les droits de scolarité à un niveau abordable, faisant du Québec une belle anomalie en Amérique du Nord en matière d’accessibilité universitaire.

Dans les années 1990, nous avons également confirmé de manière incontestable le droit des femmes à travailler en mettant en place un système avant-gardiste de centres de la petite enfance (CPE) qui est devenu un modèle envié partout au Canada, et qui a été adopté par plusieurs de nos compatriotes à l’échelle nationale.

À quand une vision de société qui réclame le droit de devenir propriétaire de son logement ?

L’iniquité générationnelle que vivent de nombreux jeunes est bien réelle – eux qui n’osent même plus rêver d’acquérir un toit ! Le gouvernement du Québec aspire à être plus prospère que l’Ontario et à accroître la propriété québécoise des entreprises. Pourquoi ne rêvons-nous pas aussi d’avoir de plus en plus de propriétaires de leur logement ? Pourquoi n’établissons-nous pas un programme d’aide permettant à la génération montante de jouir du même droit à la propriété que nous avons eu, tout comme les baby-boomers avant nous ? Pourquoi ne leur donnons-nous pas la chance de ne plus dépendre d’un propriétaire ou des fluctuations soudaines du marché immobilier ?

Rappelons que, une fois devenus propriétaires, les jeunes profiteraient des hausses du marché tout en constituant une épargne forcée grâce à leur hypothèque mensuelle. L’aide gouvernementale pourrait être récupérée lors de la revente, ce qui en ferait un investissement plutôt qu’une dépense.

En adoptant un plan Marshall d’accès à la propriété, le Québec pourrait potentiellement, en une génération, inverser la tendance croissante de besoin en loyers subventionnés. Les logements abordables et sociaux pourraient ainsi véritablement être consacrés aux plus vulnérables de notre société, plutôt que d’être également nécessaires à la classe moyenne. C’est l’occasion pour le Québec d’être, une fois de plus, innovant face à un enjeu qui touche toutes les sociétés prospères de la planète.

Imaginons être encore plus ambitieux en utilisant ce programme d’aide pour influencer un changement de comportement essentiel à la transition écologique, en encourageant la propriété dans des zones bien desservies par les transports collectifs où notre dépendance à la voiture ne serait plus aussi grande.

Partout au Québec, aussi bien dans les grands centres urbains, les petites villes que dans le cœur des villages, que ce soit à Trois-Rivières, Gaspé, L’Assomption ou Rimouski, les jeunes pourraient solliciter une aide pour réaliser leur rêve d’acquérir leur première propriété tout en apprivoisant un mode de vie durable.

C’est l’occasion ou jamais de repenser l’habitation pour en faire un vecteur de prospérité collective, d’intégration des immigrants et de retissage du tissu social en plus de saisir l’occasion des nouveaux ensembles résidentiels pour créer un changement de paradigme dans la façon dont les gens vivent les villes pour adopter un comportement plus résilient.

La pandémie a offert une occasion de repenser de manière globale les défis de santé à l’échelle mondiale. Pourquoi ne pas adopter une perspective holistique et novatrice pour résoudre ingénieusement la crise du logement, à l’instar des réalisations passées du Québec ?

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