Quand les maires de Montréal vont à l’étranger, leur plus belle carte de visite est de parler des quatre universités et 11 institutions universitaires de la ville. Ils ajoutent que Montréal est, dans les classements internationaux, la meilleure ville pour étudier en Amérique, à égalité avec Boston.

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et surtout de talents, c’est un énorme avantage comparatif pour Montréal. Ça permet d’attirer certains des meilleurs experts, des meilleurs chercheurs et des meilleurs professeurs au monde.

C’est pour cela que toute tentative de rendre les universités montréalaises moins attractives équivaut à se tirer dans le pied. C’est pourtant ce que vient de faire le gouvernement Legault en doublant les droits de scolarité pour les étudiants canadiens hors Québec et en imposant un prix plancher pour les étudiants étrangers.

Le prétexte, c’est de rétablir l’équilibre entre le financement des universités francophones et anglophones et, du même coup, de rétablir ce que le ministre Jean-François Roberge a décrit comme « l’équilibre linguistique montréalais ».

Ce n’est bien évidemment qu’un prétexte. Parce que cette politique improvisée survient après la défaite de la Coalition avenir Québec (CAQ) dans l’élection partielle de Jean-Talon et des sondages montrant une remontée du Parti québécois (PQ).

En clair, cela veut dire que des électeurs nationalistes quittent la CAQ pour retourner au PQ. On n’a pas fait de grandes études sur les effets de la hausse des droits de scolarité, mais on a étudié à fond le dernier sondage Léger.

On a donc improvisé une politique qui donne un petit tour de vis nationaliste, ce qui est beaucoup plus urgent pour le gouvernement que de mesurer les conséquences de son geste.

D’abord, parce que le raisonnement financier est douteux. La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, espère recueillir 100 millions de dollars des universités anglophones pour les distribuer aux établissements francophones.

Le problème, c’est qu’en doublant les droits de scolarité pour les étudiants canadiens des établissements anglophones, on les rend inévitablement moins attrayants. Il y aura moins d’étudiants qui vont venir au Québec, ce qui fait qu’on a toutes les chances de ne récolter qu’une faible part des 100 millions. C’est la loi de l’offre et de la demande, et il n’y a pas de « clause nonobstant » pour ça.

Mais la véritable justification du gouvernement est d’un autre ordre. En conférence de presse, le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, affirmait : « Est-ce qu’on souhaite avoir 10, 20, 30 000 personnes qui viennent de l’extérieur, que ce soit des étudiants étrangers ou des étudiants canadiens hors Québec, qui ne parlent pas français, qui viennent s’installer au centre-ville de Montréal ? »

Bref, la hausse des droits de scolarité est nécessaire parce que le gouvernement Legault estime qu’on entend trop d’anglais au centre-ville de Montréal.

Si cela est vrai, selon la même logique, le gouvernement devrait cesser immédiatement toute publicité pour attirer des touristes américains et canadiens-anglais au Québec. Parce que l’été, on entend beaucoup d’anglais dans le Vieux-Montréal, et même dans le Vieux-Québec !

De toute façon, la langue parlée au centre-ville est un indicateur bien aléatoire de la situation linguistique dans la région de Montréal. S’il y a recul du français, c’est tout autant une conséquence de l’exode des francophones vers des banlieues de plus en plus éloignées, qui fait qu’ils n’ont plus guère de raisons de venir au centre-ville.

On voit à quel point le but réel de cette nouvelle politique n’a que peu à voir avec le financement des universités et qu’elle ne vise qu’a convaincre les électeurs plus nationalistes de ne pas abandonner la CAQ. Quitte à se tirer dans le pied.

Parce qu’en nuisant aux universités anglophones, on nuit au Québec tout entier, et à Montréal en particulier. On vit dans un monde où il est difficile de recruter et de retenir les meilleurs chercheurs et les meilleurs talents. Avoir des établissements anglophones de qualité, ça donne accès à un plus gros bassin de talents et à un plus grand nombre de réseaux de chercheurs.

Un exemple : est-ce que Montréal est mal servi par le fait qu’il abrite non pas un, mais deux grands hôpitaux universitaires ? Ce qui signifie deux fois plus de chercheurs, et deux fois plus de lits de soins de pointe où, en passant, les patients qui le souhaitent sont traités en français.

Le plus important devrait être d’attirer au Québec les meilleurs talents dans tous les domaines et de leur donner l’occasion de s’installer ici et d’utiliser leurs connaissances de pointe ici, plutôt que de les voir partir dès qu’ils auront reçu leur diplôme universitaire.

Montréal est aujourd’hui considéré comme la ville la plus trilingue – ceux qui parlent trois langues ou plus – sur ce continent. Ça pourrait être un avantage considérable, mais le gouvernement n’essaie aucunement d’en faire la promotion ou d’en tirer profit.

Il préfère essayer de gagner quelques points dans les sondages sur le dos des universités anglophones et des étudiants étrangers. Même quand cela veut dire se tirer dans le pied.

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