Dans une multitude de pays comme le Japon ou le Danemark, les aînés sont traités comme de véritables joyaux d’histoire. On leur accorde un respect des plus solennel. Ici au Québec, la journée internationale des personnes âgées inaugurant l’aube du mois d’octobre ne semble pas affecter notre quotidien plus qu’il ne le faut. Nous multiplions les manquements.

Négligence civile, négligence criminelle, infantilisation, ingérence, fraude téléphonique, fraude internet, faux représentants bancaires, faux policiers, manipulation psychologique, violence physique, administration de drogues forcées, négligence des soins d’hygiène de base d’une personne en perte d’autonomie physique, etc.

De nombreux crimes contre les aînés

Pour preuve, les analystes d’Échec au crime reçoivent couramment des signalements concernant des personnes âgées. Soyons transparents, les dossiers expressément reliés à l’extorsion monétaire aux aînés et aînées s’accumulent sur les bureaux des enquêteurs comme les feuilles d’automne sur nos parterres.

À l’automne 2021 après une explosion des plaintes de fraudes téléphoniques, l’escouade des Crimes généraux du Service de police de Laval lance l’enquête « projet Gélules ». D’emblée, plusieurs suspects sont arrêtés et tout y passe : saisies de biens infractionnels et argent liquide.

Cette enquête primordiale aura un effet domino partout au Québec. De fil en aiguille, 187 dossiers cumulant pas moins de 900 000 $ fraudés à nos aînés seront mis sous les projecteurs.

Les policiers de la ville de Granby avaient sur leur table un peu plus de 194 dossiers de ce genre annuellement en 2018. Les gouttes d’eau ont fait déborder le vase de 451 dossiers l’année dernière.

Il n’y a pas de quoi sortir la crécelle en ce qui a trait aux statistiques canadiennes non plus. En 2022 c’est 530 millions de dollars que l’on comptabilisait en pertes, toutes fraudes confondues. Un comparatif qui frappe fort lorsqu’on prend conscience du montant de 380 millions pour l’année 2021 au Canada.

L’extorsion en face à face, le clonage vocal et l’hypertrucage

Il y a plus que l’aspect web ou téléphonique en termes d’arnaques « grands-parents » aujourd’hui. Les fraudeurs poussent l’effronterie jusqu’à se présenter en personne. Plusieurs faux représentants bancaires ont infiltré des résidences de personnes âgées autonomes et semi-autonomes en contournant habilement les barrières de sécurité.

Ils demeurent calmes, parlent aux résidants ciblés en affichant un large sourire rassurant. Ils expliquent à la victime que plusieurs dépenses d’ampleur ont été faites dans leurs comptes et qu’ils doivent détruire la carte en urgence. Pour ce faire, la victime doit suivre la procédure, inscrire son NIP à l’endos de sa carte et la donner au représentant pour permettre l’analyse au « département d’enquête » de l’institution financière.

L’arnaque téléphonique la plus fréquente est celle du proche ou du petit-fils ayant eu un accident, coincé dans un hôpital à l’étranger.

Les frais médicaux d’urgence doivent être acquittés, c’est une question de vie ou de mort. Il peut également se retrouver pris dans un trafic de stupéfiants, il faudra payer une caution de 7000 $ pour qu’il puisse être libéré en attendant les procédures légales.

Les fraudeurs se livrent fréquemment à un double jeu d’acteurs pour berner leurs proies. Celui qui imite le proche et un autre feignant d’être un médecin ou un policier qui prend l’appareil pour solidifier le témoignage. Ils sont tenaces et se placent en position d’autorité. La situation inusitée devient tout à coup très plausible.

Pour jumeler l’utile au désagréable, les criminels utilisent de plus en plus l’intelligence artificielle pour faire du clonage vocal avec la voix des proches de leurs victimes. Les programmes d’hypertrucage sont devenus accessibles et peu couteux, les imitations sont à s’y méprendre même pour le pire des sceptiques.

Nous n’en sommes plus à quelques cas éparpillés en région. Ce sont des réseaux internationaux structurés qui font des dommages d’un océan à l’autre. Ils investiguent et arrivent à leurs fins dans très un court laps de temps.

La prévention, l’affaire de tous

Bien que la FADOQ et la Sûreté du Québec fassent campagne contre ce fléau, nous avons tous le devoir prioritaire de veiller à la sécurité de nos parents, grands-parents, tantes ou oncles. Pourquoi pas une visite et en jaser autour d’un café ? Et poser une simple feuille plastifiée sur le frigo indiquant les gestes à ne pas faire, même sous la menace.

Peut-être ne frôlerons-nous pas les hauts standards du Japon quant aux respects de nos personnes âgées. Mais leur donner personnellement des outils pour leur sécurité de base reste une obligation de cœur, tout comme eux l’ont fait pour nous, enfants.

N’y a-t-il pas plus belle preuve d’affection que de se sentir considéré ?

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