Quarante appels d’offres lancés depuis deux ans pour l’ajout de chambres dans des ressources intermédiaires pour les aînés ont été annulés, faute de promoteur intéressé, a constaté La Presse. Le Québec manque pourtant cruellement de places dans ces établissements qui accueillent des personnes en perte modérée d’autonomie.

« On assiste à un arrêt presque complet des nouvelles constructions de ressources intermédiaires », affirme le président de l’Association des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec (ARIHQ), Carl Veilleux.

Pour lui, la situation est « inquiétante ». Car comme l’a exposé La Presse dans un dossier lundi, la pénurie de places d’hébergement pour aînés se fait déjà lourdement sentir au Québec. « Il y a urgence d’agir », estime M. Veilleux.

Une ressource intermédiaire (RI) est un milieu de vie sous contrat avec le gouvernement qui offre des services de soutien et d’assistance. Différentes clientèles peuvent être hébergées dans une RI, comme des personnes vivant avec une déficience intellectuelle ou des aînés. Dans ce cas, il s’agit souvent de la dernière étape d’hébergement avant le CHSLD.

923 places en moins

Entre 2020 et 2022, 40 des 66 appels d’offres pour créer des places dans des ressources intermédiaires pour personnes âgées ont été annulés, constate-t-on en épluchant le site du système électronique d’appel d’offre du gouvernement. En tout, ce sont 923 places qui n’ont ainsi pas pu être ajoutées au parc immobilier.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

De nombreuses annulations

En avril dernier, le CISSS de la Montérégie-Ouest lançait par exemple un appel d’offres pour une RI pour aînés de 13 places sur son territoire. L’appel a finalement été annulé. « Nous n’avons pas trouvé preneur pour ces appels d’offres lors du premier affichage », explique la porte-parole du CISSS de la Montérégie-Ouest, Catherine Brousseau.

Le 11 novembre 2022, le CISSS de la Côte-Nord avait aussi dû annuler un appel d’offres pour une RI de 15 places à Sept-Îles.

Le porte-parole du CISSS de la Côte-Nord, Pascal Paradis, précise que « divers enjeux font en sorte qu’il est difficile d’avoir des promoteurs pour les appels d’offres », dont le fait qu’il y a « peu d’infrastructures sur la Côte-Nord pour permettre à un promoteur d’acquérir une installation dans le but d’exploiter une RI ». Et pour les promoteurs intéressés par une nouvelle installation, les coûts de construction peuvent être prohibitifs, dit M. Paradis.

Dans un rapport publié en mai dernier, la vérificatrice générale du Québec avait analysé l’ensemble des contrats accordés en hébergement par trois établissements de santé entre 2015 et 2022. Environ 75 % de ces contrats concernaient des places en ressources intermédiaires. Au CIUSSS de l’Estrie-CHUS et dans celui de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, « la plupart des appels d’offres […] publiés ont dû être annulés ». L’autre établissement étudié (CISSS Montérégie-Centre) semble avoir été épargné par cette tendance.

Des coûts trop élevés

M. Veilleux explique qu’avec l’inflation et l’augmentation des prix des terrains et des coûts de construction, la rétribution prévue par le gouvernement pour les ressources intermédiaires ne suffit plus. La somme la plus élevée que peut recevoir une RI du gouvernement est de 202 000 $ par place par année. Ce qui « sous-estime grandement la valeur réelle d’une chambre », affirme M. Veilleux. Selon lui, il est actuellement « impossible de bâtir en bas de 300 000 $ la porte ». Pour M. Veilleux, si les nouvelles constructions de RI sont au point mort, « ce n’est pas faute de propriétaires intéressés, mais bien faute de financement conséquent ».

En comparaison, une maison des aînés coûte environ 800 000 $ à 1 million de dollars la porte […] La rétribution [des ressources intermédiaires] est complètement décalée par rapport au coût du marché.

Carl Veilleux, président de l’Association des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec

L’ARIHQ demande depuis deux ans au gouvernement de revoir sa rétribution. « Mais rien ne bouge », déplore M. Veilleux.

La ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, assure être « en train de revoir le modèle des ressources intermédiaires ». Elle reconnaît qu’il est « très difficile actuellement de trouver des promoteurs intéressés » par les appels d’offres. Elle prévoit notamment la transformation prochaine d’une dizaine de petites résidences privées pour aînés en ressources intermédiaires. Elle souhaite aussi « revoir le cadre de référence des ressources intermédiaires », qui fixe notamment leur rétribution. Pour M. Veilleux, « il est clair que les ressources intermédiaires représentent la voie incontournable pour régler le problème d’hébergement au Québec ».