Cette semaine marque un très sombre anniversaire : il y a deux ans, les talibans ont empêché l’accès à l’éducation secondaire aux Afghanes. À la fin de leur sixième année, les jeunes filles sont forcées de quitter les bancs d’école.

Les jeunes Afghanes ont été brutalement privées de leur droit à l’éducation secondaire peu après la prise du pouvoir par les talibans, en août 2021. Ces derniers s’étaient engagés à laisser les femmes étudier. Mais où sont les talibans 2.0 ? Malgré leurs promesses, les leaders talibans ont réinstauré les méthodes oppressives qui les avaient rendus notoires, ressuscitant les cauchemars des années 1990 à Kaboul, une période marquée par la terreur, où la société civile était étranglée et les femmes contraintes à l’obscurité de leur lourde burqa.

L’exercice de relations publiques qui promettait un nouveau régime taliban a pris fin au moment même où le dernier avion de la coalition internationale de l’OTAN a quitté le tarmac à Kaboul. Ce régime revu et corrigé n’aura finalement jamais existé.

Les talibans ont aussi empêché des femmes qui détenaient des visas d’études internationaux de quitter le pays, même accompagnées de leur frère ou de leur père. L’été dernier, les talibans ont même fermé des milliers de salons de beauté en Afghanistan, éliminant ainsi les derniers refuges sociaux et professionnels féminins. La liste des violations des droits des femmes est tristement longue.

Stratégiquement, les talibans ont orchestré l’annonce de plusieurs nouvelles restrictions confinant les femmes à l’espace privé pendant la période de Noël l’an dernier, question d’échapper à la vigilance médiatique occidentale.

La semaine dernière, Human Rights Watch a désigné cette oppression systématique des femmes par les talibans de crimes contre l’humanité en suivant la définition du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Les organismes pour la défense des droits de la personne persistent à condamner une situation politique inadmissible, désormais prisonnière de la persistante « fatigue médiatique ».

Cette fatigue nous incite à passer mentalement d’un conflit à l’autre, nous plongeant dans un cycle inarrêtable qui renforce une certaine insensibilité, souvent malgré nous, face aux injustices qui persistent et s’enracinent.

Pour aider les Afghanes

Aujourd’hui, les pays qui ont été impliqués militairement en Afghanistan, et qui défendaient à l’époque l’avoir fait – entre autres – pour défendre les droits des femmes, doivent assumer leurs responsabilités envers les Afghanes. Les talibans cherchent à éradiquer ces femmes de l’espace public et à leur arracher tout espoir d’indépendance intellectuelle, financière ou politique.

Déployer une diplomatie stratégique et mobiliser des alliés occidentaux, ainsi que ceux des talibans, afin de trouver des moyens de soutenir ces femmes, particulièrement en région rurale, constitue un défi monumental.

Capituler n’est cependant pas une option.

Une indifférence graduelle et programmée face à la cruauté infligée aux femmes, même dans un pays qui semble lointain, élargit un sombre imaginaire collectif international au sein duquel bafouer les droits des femmes, exacerber le contrôle de leur corps et les effacer de l’espace public devient normalisé.

Dans les années 1920, les femmes afghanes avaient le droit de vote, la liberté de choisir légalement un époux et on inaugurait la première école pour elles. Un siècle plus tard, plus d’un million de jeunes femmes afghanes n’ont plus accès à l’enseignement secondaire et universitaire, selon l’ONU. L’histoire n’est jamais linéaire, mais en Afghanistan, elle s’écrit en dents de scie. N’obligeons pas les jeunes filles afghanes à rêver avec nostalgie aux droits de leurs grand-mères et arrière-grands-mères.

Nombreux sont les pays qui disent tenter de dialoguer avec les talibans. Ce n’est pas suffisant. Au-delà du dialogue, ce sont des négociations fermes avec des conditions claires qui doivent être imposées aux talibans à travers la voie diplomatique, notamment par l’entremise de leurs alliés, pour freiner ces violations des droits de la personne.

L’aide humanitaire doit se poursuivre, mais elle doit surtout être acheminée de manière à ne pas consolider le pouvoir taliban, en passant notamment par des organisations internationales ou l’ONU. Aucune femme afghane ne devrait être déchirée entre la famine et le désespoir.

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