Keira Bell, une jeune personne britannique assignée fille à la naissance, a 16 ans lorsqu’elle commence à prendre des bloqueurs d’hormones pour entamer une transition vers un corps masculin. Elle finira par regretter son choix et poursuivra en justice la clinique qui a pratiqué les interventions.

Ce cas – et d’autres semblables – a été hautement médiatisé. Au point que des chercheurs québécois ont montré que les représentations médiatiques de ce qu’on appelle les « détransitions » tournent maintenant tellement autour de ce type de parcours qu’elles ne sont plus représentatives de la diversité de cas qui existe.

Pour en arriver à cette conclusion, Mélanie Millette et Olivier Turbide, professeurs au département de communication sociale et publique de l’UQAM, ont analysé 192 articles de journaux publiés en français et en anglais entre 2017 et 2020 évoquant des détransitions.

« Dans presque la moitié des articles, il y a un effet de cadrage qui fait qu’on présente la détransition comme une preuve que la transition était une erreur », dit la professeure Millette, dont les travaux ont été présentés dans des conférences et sont actuellement en évaluation pour une publication scientifique.

La réalité des détransitions est plus complexe. D’abord, ces évènements sont « rares », selon l’Association mondiale des professionnels en santé transgenre. Ensuite, si des cas comme celui de Keira Bell existent et soulèvent bel et bien des questions difficiles, ils sont loin d’être représentatifs de toutes les détransitions.

Certains trans décident de revenir en arrière, mais sans amertume, satisfaits d’avoir pu essayer une solution pour chasser leur détresse.

D’autres voient simplement leur identité de genre continuer d’évoluer. Ou, plus tristement, reviennent en arrière parce qu’ils sont stigmatisés en tant que personnes trans.

Aucune intervention médicale, de la prise d’un comprimé d’Advil à une opération du genou, ne vient avec une garantie de succès. Que certaines transitions échouent ne peut servir à discréditer l’ensemble des transitions.

Une étude, des études

Dans ma chronique du 25 septembre, je citais à titre d’exemple une étude montrant que les interventions médicales font baisser la prévalence de la dépression et des idées suicidaires chez les jeunes trans⁠1. Certains lecteurs m’ont souligné que cette étude comporte des limites importantes. À la fin de la période de suivi, par exemple, le groupe n’ayant pas reçu de traitement ne comptait que cinq individus, ce qui rend les comparaisons hasardeuses. C’est vrai. Toute étude comporte des limites et j’aurais pu mieux expliquer qu’il ne s’agissait que d’un exemple, qu’on ne peut tirer de grandes conclusions d’une seule étude. C’est l’ensemble du corpus scientifique qu’il faut examiner lorsqu’on veut comprendre les effets des interventions médicales sur les jeunes trans. Et c’est de cette façon que les professionnels de la santé guident leur pratique, tant ici qu’en Suède ou en Angleterre.

1. Lisez « Mental Health Outcomes in Transgender and Nonbinary Youths Receiving Gender-Affirming Care » (en anglais)
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