Les Québécoises se définissent d’abord comme des femmes, ensuite comme des mères et finalement comme des conjointes. Au Canada anglais, l’ordre s’inverse, les Canadiennes se considèrent d’abord comme des mères, puis des conjointes et finalement des femmes. La firme Léger a découvert cette différence en réalisant une vaste étude pancanadienne pour une marque de produits pour bébés auprès des nouvelles mères.

Cette particularité des Québécoises est fondamentale, gardez-la en tête quand vous lirez les données qui suivent : le modèle de société que les Québécoises ont puissamment contribué à construire est un phénomène assez unique en Amérique du Nord.

Travailler, c’est gagner en autonomie, en liberté, en capacité de s’épanouir comme on l’entend. De tous les pays du monde, seules les Suédoises ont un taux d’emploi (83,7 %) légèrement supérieur à celui des Québécoises (83,4 %). On pourrait même affirmer que dans le domaine de l’accès au travail, les Québécoises font mieux que les Suédoises, et donc mieux que toute la planète, car chez nous, l’écart entre la participation des hommes et celles de femmes au marché du travail est considérablement moindre qu’en Suède (3,4 % contre 5,2 %). Notons que le Canada n’est même pas dans la course, avec un écart deux fois supérieur à celui du Québec (7,9 %)⁠1.

En matière de revenu, les Québécoises sont aussi dans le peloton de tête. Elles ont rejoint les Ontariennes et leur revenu moyen dépasse maintenant de 1 % celui des Albertaines et de 6 % celui des Britanno-Colombiennes.

L’écart, cette fois entre le revenu des hommes et celui des femmes, continue de rétrécir et, là aussi, les Québécoises (83 % du revenu des hommes) sont largement en avance sur les Ontariennes (75 %) et les Albertaines (67 %).

Les femmes immigrantes du Québec se distinguent, elles aussi, avec éclat. En 2021, au Québec, elles avaient un taux d’emploi supérieur à celui des travailleuses nées ici, avec un ratio de 102 % contre 91 % pour les femmes immigrantes en Ontario⁠2.

Chez nous, les conseils d’administration des entreprises sont beaucoup plus paritaires que dans le reste du Canada et il y a plus de femmes à la direction générale et à la tête des conseils d’administration⁠3. Au Québec, seulement 2 % des entreprises ne comptent aucune femme au sein de leur conseil, alors que ce pourcentage atteint 18 % au Canada⁠4. Il faut dire que dans ce domaine, même si le Québec se débrouille mieux, il reste un affamé qui se compare à un crève-la-faim. Il y a du travail à faire (un travail qui sera payant : les entreprises plus paritaires ont un meilleur rendement !⁠5).

Le mouvement féministe québécois est, toutes proportions gardées, probablement le plus puissant en Amérique du Nord.

Il est certainement celui qui a eu le plus de succès pour influencer les politiques publiques et lutter contre les inégalités : centres de la petite enfance, régime d’assurance parentale, équité salariale, perception obligatoire des pensions alimentaires, maintien du nom après le mariage, accès à l’avortement (le Québec représente à peine plus de 20 % de la population canadienne, mais 50 % des points d’accès à l’avortement de tout le pays s’y trouvent), sont toutes des mesures qui font du Québec un des États au monde où les inégalités hommes-femmes et les inégalités sociales sont les moins grandes.

L’avenir est prometteur, car ces avancées ont été obtenues à un moment où la présence des femmes à l’Assemblée nationale n’était pas celle d’aujourd’hui. Par exemple, en 1997, au moment de l’adoption de la Loi sur l’équité salariale, en grande partie responsable du rattrapage réalisé par les Québécoises, il y avait 23 femmes sur 125 élus à l’Assemblée nationale (18,4 %). Depuis, elles ont plus que doublé leur présence, passant à 58 sur 125 (46,4 %), ce qui fait de l’Assemblée nationale du Québec un des parlements les plus paritaires au monde⁠6. En fait, si le Québec était un pays, il serait 10e au monde pour la participation des femmes⁠7 et le Canada, 64e.

Mais il reste de nombreuses batailles à terminer, sinon à lancer.

L’égalité complète est loin d’être atteinte, la violence fait encore des ravages, la pauvreté a toujours un sexe. Et les reculs sont possibles, notamment sous l’assaut des mouvements religieux et de certains masculinistes toxiques qui ciblent les jeunes.

Une des plus puissantes motivations en matière d’action politique est de savoir que les victoires, même les plus improbables, sont possibles. En tant que femmes, mères ou conjointes, les Québécoises ont fait des gains immenses, des gains enviés un peu partout sur la planète. Ces gains doivent nous servir d’inspiration pour progresser encore vers une société toujours plus juste.

Bon 8 mars.

Aux livres, citoyens !

Le livre Un Québec pays : Le oui des femmes est intéressant pour les fédéralistes comme pour les indépendantistes. Il aide à réfléchir à l’influence du cadre politique dans lequel nous vivons sur l’avancement des droits des femmes. On y retrouve une grande diversité de points de vue. À lire.

Un Québec pays : Le oui des femmes

Un Québec pays : Le oui des femmes

Les éditions du remue-ménage

262 pages

1. Lisez la chronique « Surprise, le Québec dépasse l’Ontario » de Francis Vailles 2. Lisez le billet « Et si, en fait, les Québécois étaient moins racistes que les autres Canadiens ? » de Jean-François Lisée 3. Lisez l’article « La discrète place des femmes à la tête des entreprises » du Devoir 4. Lisez la chronique « Un Québec plus paritaire » de Gérard Bérubé du Devoir 5. Lisez l’article « Pour les entreprises, avoir un bon équilibre femmes-hommes dans sa main-d’œuvre rapporte » du Monde 6. Lisez la chronique « Diversité à l’Assemblée nationale : fierté » 7. Consultez un classement mensuel des femmes dans les parlements nationaux (en anglais) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue