Depuis le 3 octobre, un chiffre devrait briller dans le firmament du Québec : 22 %.

Depuis les élections québécoises, 22 % des élus de l’Assemblée nationale sont issus de la diversité (donc ne sont pas d’origine française, britannique ou autochtone). Il est difficile de déterminer le pourcentage équivalent dans la population en général, les identités à Statistique Canada sont multiples, toutefois il est clair que ces 22 % de gens issus de la diversité sont supérieurs ou égaux à leur poids dans la population1.

Mais il y a plus précis encore. Si l’on prend uniquement les députés issus des minorités visibles, ils sont 12 % à siéger à l’Assemblée, une proportion similaire à leur présence dans la population (12,6 %)2. C’est un record.

Explication : la différence entre les 22 % d’élus de l’Assemblée nationale « issus de la diversité » et les 12 % d’élus issus de « minorités visibles » sont constitués d’élus originaires, par exemple, de l’Italie ou de l’Arménie, que des chercheurs comme Frédéric Castel de l’UQAM incluent dans la diversité, mais qui ne sont pas considérés comme « visibles ».

Alors que les minorités visibles représentent un peu moins du tiers de la population de Montréal, elles représentent maintenant 37 % des élus de la métropole à l’Assemblée nationale. Un autre record.

Ces données n’incluent pas Kateri Champagne Jourdain, Innue de la communauté Uashat mak Mani-utenam, première femme autochtone élue à Québec.

Tous les partis ont pris au sérieux l’enjeu de la diversité de notre représentation politique. Parmi les 880 candidatures inscrites à Élections Québec, 143 provenaient de la diversité, soit plus de 16 % de toutes les candidatures.

Pour la présence des femmes aussi, nous avons battu notre dernier record et sommes maintenant à un cheveu de l’exacte parité (46 %). À cet égard, l’État québécois est à la 14e place au monde et le Canada, à la 61e.

On se rappellera que, lors des dernières élections municipales, le nombre de femmes élues avait aussi progressé autant pour les conseillères que pour les mairesses. Les mairesses dirigent maintenant cinq des dix plus grandes villes du Québec — là aussi, le Québec montre la voie.

Connaissez-vous un autre État dans les Amériques dont les élus soient aussi représentatifs ? Pas moi.

La prochaine fois que des élus fédéraux tenteront de nous donner des leçons d’ouverture, nous pourrons leur dire de se concentrer sur ce qui se passe chez eux, à la Chambre des communes. À Ottawa, il n’y a que 30,5 % de femmes députées. Les députés issus de la diversité n’occupent que 14,8 % des sièges alors qu’ils comptent pour 22,4 % de la population canadienne.

C’est encore pire pour les élus noirs, qui ne représentent que 1,5 % des élus contre 3,5 % de la population, alors qu’au Québec 4 % des élus sont noirs pour 3,9 % de la population.

Ce succès du Québec en matière de représentativité est d’autant plus intéressant que l’intégration politique est probablement une des dernières étapes, sinon la dernière, de l’intégration à une société. Un immigrant doit d’abord s’installer, trouver du travail, intégrer ses enfants à l’école, se construire un réseau d’entraide, prendre part à la vie sportive, culturelle ou sociale de son quartier, etc.

L’engagement politique arrive assez loin dans sa liste de priorités, mais, aujourd’hui, nous y sommes.

Talleyrand disait que tout ce qui est excessif est insignifiant. Il y a beaucoup d’insignifiance dans les débats sur l’immigration, la diversité, le racisme, et ce, dans tous les camps. On se croirait souvent dans une cour d’école.

Pourtant, le 3 octobre dernier, les Québécois ont voté sereinement, pour toutes sortes de raisons politiques et pour toutes sortes de candidats : des hommes, des femmes, des gens de couleur, des gens aux noms exotiques par rapport à ceux de la majorité. En se donnant une assemblée nationale aussi représentative, probablement une des plus représentatives au monde, ils ont donné à bien des nations, à bien des gens, une belle leçon d’ouverture et de démocratie.

Moi, j’en suis fier.

1. Lisez l’article « Encore plus de diversité à l’Assemblée nationale » 2. Lisez l’article « Nous sommes rendus dans la zone de représentativité »