Un député sur huit est issu des minorités visibles dans la nouvelle Assemblée nationale du Québec. Il s’agit d’une nette amélioration de la représentativité culturelle par rapport aux élections précédentes, selon des experts.

Parmi les 125 députés élus à l’Assemblée nationale lundi dernier, 15 candidats sont issus des minorités visibles, indique une étude menée par l’Observatoire québécois de la diversité ethnoculturelle (OQDE). « C’est une grande amélioration par rapport aux élections provinciales antérieures », souligne Frédéric Castel, chargé de cours au département des sciences des religions de l’UQAM.

Quelque 12 % des députés qui siégeront à l’Assemblée nationale sont issus des minorités visibles. À l’échelle du Québec, la proportion est similaire dans l’ensemble de la population : les minorités visibles représentaient 12,6 % des Québécois en 2016, selon le dernier recensement de Statistique Canada.

À Montréal, les minorités visibles représentent près du tiers de la population. Aux élections lundi soir, 10 candidats des minorités visibles ont été élus dans les 27 circonscriptions la métropole, soit une proportion de 37 %. « Je vous dirais que nous sommes rendus dans la zone de la représentativité », confirme Frédéric Castel.

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D’après la Loi sur l’équité en matière d’emploi, les personnes qui font partie des minorités visibles ne sont pas de « race blanche » et n’ont pas la « peau blanche ». Ceci n’inclut pas les Autochtones.

Au fait, la caquiste Kateri Champagne Jourdain, originaire de la Côte-Nord dans la communauté innue de Uashat mak Mani-utenam, est devenue la première femme autochtone à siéger à l’Assemblée nationale, après avoir été élue dans Duplessis.

« Un pas dans la bonne direction »

Cinq candidats issus des communautés noires siégeront à l’Assemblée nationale, soit 4 % des députés élus. Dans la province, les communautés noires représentent 3,9 % de la population, selon Statistique Canada.

Ça démontre qu’il y a de l’ouverture et que les temps changent. C’est du jamais vu.

Max Stanley Bazin, président de la Ligue des Noirs du Québec

Selon lui, la représentativité influence fortement l’intérêt des citoyens à participer à la vie politique. « Il y a des gens qui ne participaient pas à la politique et n’y avaient aucun intérêt. Quand ils voient quelqu’un qui leur donne un espoir de changement et qui est représentatif, ils vont sortir pour voter », explique-t-il.

La hausse de la représentation des minorités visibles dans la sphère politique est « certainement un pas dans la bonne direction », ajoute Myrlande Pierre, vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Il doit toutefois y avoir une continuité dans la constitution du Conseil des ministres pour assurer cette représentativité, précise-t-elle. « Il faut s’assurer que ces personnes puissent trouver leur place. »

« Après tout, c’est une question de légitimité. Pour avoir une institution politique légitime, il faut qu’elle tienne compte des préoccupations de tous les citoyens », renchérit Martin Pâquet, professeur titulaire au département des sciences historiques de l’Université Laval.

Changement de stratégie

Selon Frédéric Castel, les élections municipales de Montréal en 2017 ont sonné l’alarme, tandis que moins de 7 % des candidats provenaient des minorités visibles dans une ville où plus de 30 % de la population est issue de la diversité. Depuis, le spécialiste a observé une hausse importante des candidatures de personnes issues de la diversité, mais également un changement dans la stratégie des partis politiques.

Parmi les 880 candidatures acceptées par Élections Québec en 2022, 143 provenaient de la diversité, soit plus de 16 % des candidatures totales, indique l’OQDE.

Quand la préoccupation est de faire élire des candidats des minorités visibles, il faut que ceux-ci se présentent dans des circonscriptions où ils ont des chances d’être élus, explique Frédéric Castel. Auparavant, les candidats issus des minorités tentaient uniquement leur coup dans les quartiers ethniques, souvent des « forteresses libérales », selon lui. « Il y a cinq ans, on pensait encore qu’il fallait représenter tel candidat à Montréal ou dans les banlieues. Maintenant, on est sorti de ce schème de pensée, et on les présente en région. »

Outre la représentativité, les partis ont également le devoir d’être sur le terrain et de « transmettre la réalité » dans les circonscriptions, souligne Frédéric Castel. Il y a une importante « connectivité » à construire pour « donner l’heure juste » à Québec de ce qui se passe dans les communautés, conclut-il.