À l’occasion, Dialogue offre un espace à une personnalité pour lui permettre de faire connaître son point de vue sur un enjeu ou une question qui nous touche tous. En ce 8 mars, l’ex-politicienne Dominique Anglade fait l’éloge de la solidarité féminine et présente les femmes qui l’ont inspirée cette année.

Le 8 mars est toujours l’occasion de célébrer le chemin parcouru et en même temps de constater l’ampleur du chemin qu’il reste à faire. On dit parfois que les femmes arrivées à certains niveaux de pouvoir manquent de solidarité entre elles. S’il est vrai que d’aucuns peuvent trouver des exemples très concrets pour illustrer ces propos, il n’en demeure pas moins que les solidarités féminines tissées au fil du temps devraient être source d’inspiration.

Très tôt dans ma vie, j’ai voulu bâtir des solidarités féminines. Pourquoi ? Parce qu’elles nous permettent de nous retrouver, de partager des choses qui nous arrivent parce que nous sommes femmes.

Elles nous permettent de nous ressourcer et d’être par la suite simplement meilleures dans les autres aspects de notre vie. Elles nous outillent pour faire face aux défis qui se dressent sur la route, elles donnent des ailes et de la force pour aller plus loin.

Juste après l’université, avec une amie, nous avons décidé de créer un groupe : « Les Sept in the city », clin d’œil à la célèbre émission Sex and the City. Ce groupe de sept, puis de neuf femmes existe encore près de 30 ans plus tard. On y retrouve beaucoup de solidarité. Et puis avec les années je me suis jointe à plusieurs autres groupes souvent de manière spontanée, mais aussi de manière plus formelle et intentionnelle, notamment avec le lancement de la fondation KANPE (où siègent aussi des hommes), un autre exemple de solidarité, car elle vise précisément l’accompagnement de femmes. Et chaque fois, le constat est le même. Ces groupes de femmes ou qui visent à accompagner des femmes inspirent, soutiennent, aident et surtout créent une atmosphère dans laquelle on peut tout simplement être soi.

Et parfois il suffit d’un seul geste pour continuer à tisser la toile de la solidarité. Au moment où je suis devenue cheffe du Parti libéral du Québec, j’ai reçu une lettre manuscrite de Pauline Marois qui se concluait ainsi : « Quand l’une de nous gagne, ce sont toutes les femmes qui gagnent. » Un geste transpartisan qui en dit long sur la nécessité de continuer à bâtir des liens.

Je m’en rends compte avec le temps, ces solidarités continuent de se tisser au fil des ans et nous gagnerions à être encore plus délibérées dans notre volonté d’élargir la tente. Chaque année, on fait de nouvelles rencontres, on change d’emploi, on entre dans une nouvelle phase de sa vie, on lit, on assiste à un spectacle, on connaît une période plus difficile, on déménage, on cherche de l’aide, et tous ces moments sont autant de possibilités de faire de nouvelles rencontres de femmes.

Et je crois qu’il serait bénéfique de faire l’exercice suivant chaque année : quelle femme ai-je rencontrée cette année qui m’a marquée ? Quel propos a-t-elle tenu que j’ai trouvé inspirant ? En ce 8 mars, à qui aimerais-je dire merci d’avoir démontré une solidarité féminine qui a eu un véritable impact ?

Alors je me prête à cet exercice avec vous.

Cette année, j’ai eu la chance de côtoyer plusieurs nouveaux visages, en commençant par de jeunes femmes avec lesquelles je travaille quotidiennement à HEC Montréal. Et j’ai eu aussi l’occasion d’échanger régulièrement avec des pionnières comme Johanne Turbide, qui a mis à l’avant-scène le développement durable à une époque où le sujet était loin d’être central, ou encore Caroline Aubé, qui s’occupe de la recherche et pousse l’institution à voir plus grand. Ces femmes, jeunes et moins jeunes, m’inspirent, avec leur parcours, mais surtout avec leur volonté d’avoir un impact.

D’autre part, je suis ravie de constater que deux femmes fortes, Ruth Pierre-Paul et Suze Youance, sont à la tête d’un organisme communautaire comme le Bureau de la communauté haïtienne à Montréal à un moment charnière de son histoire. C’est porteur d’espoir.

À l’international, comme vous, je remarque que l’actualité n’a rien de bien réjouissant. Pourtant, j’ai ressenti une bouffée d’oxygène en regardant trois générations de femmes Navalnaïa, la mère, l’épouse et la fille, unies par un même destin, celui d’Alexeï Navalny, qui a des incidences sur nous tous. La force de ce trio apporte au moins une lumière dans cet environnement sombre à souhait.

  • Parmi les femmes du monde qui ont inspiré Dominique Anglade, on trouve Lioudmila Navalnaïa, la mère de l’opposant russe Alexeï Navalny, mort en détention.

    PHOTO ARCHIVES REUTERS

    Parmi les femmes du monde qui ont inspiré Dominique Anglade, on trouve Lioudmila Navalnaïa, la mère de l’opposant russe Alexeï Navalny, mort en détention.

  • La gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, une voix progressiste aux États-Unis

    PHOTO NIC ANTAYA, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

    La gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, une voix progressiste aux États-Unis

  • Et Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison-Blanche

    PHOTO BRENDAN SMIALOWSKI, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Et Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison-Blanche

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La gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, est aussi un porte-voix progressiste aux États-Unis dont nous avons tous bien besoin. L’écouter lors d’un passage à Detroit défendre l’avortement, promouvoir les énergies propres et vouloir bannir les armes à feu avait quelque chose de rassurant dans une Amérique à la recherche d’une boussole.

Et mon coup de cœur, puisqu’il en faut un, c’est Karine Jean-Pierre, la porte-parole de Joe Biden, noire, queer et d’une redoutable assurance. En novembre dernier, tandis qu’elle prenait la parole à Washington, elle a dit quelque chose qui m’a directement interpellée. Elle a dit qu’elle était « fearless », mais tout de suite, elle a précisé que pour elle, « fearless » ne voulait pas dire qu’elle n’avait pas peur. Au contraire, cela signifiait qu’elle avait bel et bien peur, mais qu’elle était prête à y faire face. Je me suis vite reconnue dans ces propos. Ce n’est pas qu’on n’a pas peur des défis, c’est que l’on décide de faire face à cette peur qui bien sûr nous tenaille.

Et si on prenait le temps, chaque 8 mars, de célébrer toutes ces amitiés que nous avons bâties avec le temps tout en nous posant la question : quelles femmes m’ont inspirée cette année ? Quelle femme ai-je découverte ? Il me semble que cela viendrait renforcer toutes ces solidarités féminines dont nous parlons. Et surtout, cela permettrait de continuer à tisser une toile de liens infinis qui sera un jour, il faut se le souhaiter, devenue impossible à détricoter.

Appel à tous

Vous souhaitez nous présenter une femme qui vous a marqué au cours de la dernière année ? Racontez-nous en quelques mots pourquoi cette femme a fait une différence pour vous, et nous publierons prochainement certains de vos témoignages dans la section Dialogue.

Écrivez-nous ! Faites-nous part de votre point de vue