Dans une récente chronique, j’explorais le potentiel de solutions comme les batteries et les accumulateurs de chaleur pour diminuer le recours au gaz naturel pendant la pointe hivernale qui donne des maux de tête à Hydro-Québec⁠1. Le texte a suscité de nombreuses questions sur des notions qui peuvent paraître abstraites. Nous nous sommes penchés sur certaines d’entre elles.

Atténuer la pointe avec des batteries, c’est coûteux ?

En clair, oui. Dans mon texte, je décrivais l’expérience d’un participant à un projet pilote d’Hydro-Québec qui a la chance de compter sur trois batteries totalisant 10 kilowattheures (kWh) dans son garage. Non seulement ce client peut continuer d’avoir du courant en cas de panne, mais la batterie peut aussi l’aider à réduire sa consommation en période de pointe. Celle-ci se recharge en effet pendant les périodes creuses et fournit de l’électricité quand tout le monde se l’arrache.

Selon Hydro-Québec, il faut compter environ 1000 $ du kilowattheure pour une batterie, plus les frais d’installation. Le prix d’une batterie comme celle déployée dans le cadre du projet pilote dépasse donc 10 000 $. Les coûts seraient susceptibles de baisser avec une mise à l’échelle et d’éventuels développements technologiques, mais on s’entend que ça reste très élevé pour les services rendus (la batterie est insuffisante pour chauffer une maison, par exemple).

Les véhicules électriques pourraient-ils un jour servir de batterie pour atténuer la pointe ?

Absolument. Hydro-Québec est très consciente que des centaines de milliers de Québécois auront bientôt des batteries stationnées devant leur domicile.

Ces batteries sur quatre roues peuvent de plus en plus souvent renvoyer de l’électricité vers la maison.

L’avantage est que les batteries des véhicules électriques ont une capacité de stockage d’énergie plus importante que les 10 kWh installées chez les clients d’Hydro-Québec. Une Chevrolet Bolt 2023 possède une batterie de 65  kWh ; pour une Tesla modèle S, c’est 100 kWh.

« Dans ce contexte, on regarde la batterie fixe, qui est très coûteuse, versus le véhicule électrique, qui pourrait offrir le même service… C’est sûr que c’est intéressant », dit Patrick Martineau, chef, systèmes énergétiques de l’avenir, chez Hydro-Québec.

Hydro-Québec offre déjà des subventions pour les accumulateurs de chaleur. Pourquoi, alors, lancer un projet pilote ?

Comme leur nom l’indique, les accumulateurs de chaleur peuvent accumuler la chaleur, puis la diffuser à l’aide de ventilateurs. Eux aussi peuvent aider à atténuer la pointe — et sont d’autant plus intéressants que, selon Hydro-Québec, ils sont 10 fois moins chers que les batteries.

La confusion vient du fait qu’il existe deux types d’accumulateurs de chaleur. Hydro-Québec a distribué 250 accumulateurs dits « locaux » dans le cadre d’un projet pilote. Ces petits appareils « peuvent être comparés à des plinthes électriques, mais avec des briques à l’intérieur », précise la société d’État.

En parallèle, Hydro-Québec subventionne l’installation d’accumulateurs de chaleur « centraux », des appareils plus massifs qui peuvent être comparés à une fournaise. Dans le cadre du programme LogisVert, Hydro-Québec offre jusqu’à 15 000 $ pour l’installation d’un accumulateur de chaleur central, et jusqu’à 22 000 $ pour l’installation d’un accumulateur combiné à une thermopompe.

Au total, seulement 746 résidences ont profité d’une aide financière pour l’installation d’un accumulateur de chaleur central.

Une meilleure gestion des chauffe-eau pourrait-elle aider la pointe ?

« C’est vrai que lorsqu’on utilise de l’eau chaude, le chauffe-eau remplace cette eau par de l’eau froide et la réchauffe ensuite, ce qui entraîne une consommation d’électricité. Nous travaillons présentement à une offre pour les clients Hilo à ce sujet, elle pourrait se concrétiser dans les prochains mois », fait savoir Hydro-Québec.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Au Québec, l’ensemble du gaz naturel utilisé dans les bâtiments génère 4,3 mégatonnes d’équivalent CO2.

Est-ce la fin du monde d’utiliser du gaz naturel pendant la pointe ?

Il existe un débat à ce sujet. L’ensemble du gaz naturel utilisé dans les bâtiments génère 4,3 mégatonnes d’équivalent CO2. Du lot, la portion résidentielle compte pour 27 %, soit 1,15 mégatonne. C’est environ 1,5 % des émissions du Québec ⁠2.

Est-ce que ça vaut la peine de se compliquer la vie avec des solutions comme des thermopompes et des accumulateurs de chaleur pour un tel gain écologique ?

« On ferait mieux de discuter des 8 mégatonnes de GES en agriculture (+ 18 % entre 1990 et 2021), répond Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie. Énergir a un plan pour arriver à zéro en 2050, alors qu’il n’y a aucun plan en agriculture et encore moins en transport. Cet acharnement envers Énergir et le gaz naturel est une distraction plus qu’un mouvement vers l’action. »

Ce ne sont pas tous les experts qui sont d’accord. L’Institut de l’énergie Trottier, par exemple, estime que la « maturité des solutions permettant de décarboner les bâtiments » devrait conduire à un « calendrier serré pour compenser les difficultés rencontrées dans d’autres secteurs ».

Il faut dire qu’en ajoutant au résidentiel le chauffage des bâtiments institutionnels et commerciaux, le gaz naturel génère 5,5 % des émissions du Québec — c’est non négligeable. Autre argument pour agir : en décarbonant le secteur des bâtiments, on permettrait au gaz naturel renouvelable, plus écologique, mais rare et cher, d’être dirigé vers les usages industriels difficiles à électrifier.

Il me semble personnellement qu’il n’y a aucun gain à écarter et que si on peut chauffer des bâtiments à l’électricité plutôt qu’au gaz, on devrait le faire le plus rapidement possible.

Un mea culpa

Dans ma chronique, j’écrivais que les efforts d’efficacité énergétique d’Hydro-Québec n’atteignaient que 0,23 % de ses ventes totales, ce qui place le Québec en queue de peloton parmi les provinces et les États en Amérique du Nord. Le véritable chiffre est plutôt 0,46 %, ce qui amène le Québec au 6e rang des provinces canadiennes et derrière une bonne vingtaine d’États américains, selon des rapports d’Efficiency Canada et de l’American Council for an Energy-Efficient Economy.

Dans une version précédente de ce texte, les batteries de voiture étaient décrites comme plus puissantes que les unités installées chez les clients d’Hydro-Québec. Or, elles ont plutôt une capacité de stockage plus importante. Aussi, nous avons évoqué, par erreur, des centaines de millions de Québécois qui auront bientôt des batteries stationnées devant leur domicile. Bien sûr, il s’agit bien de centaines de milliers de Québécois.

1. Lisez la chronique « Se sevrer du gaz en pointe hivernale » 2. Consultez le Rapport sur la résilience climatique d’Énergir Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue

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