(Québec) Les municipalités, comme Montréal et Prévost, qui ont déjà adopté un règlement pour réduire l’usage du gaz naturel pourront le conserver, mais les maires qui désireront marcher dans leurs pas devront tout d’abord obtenir un avis favorable de Pierre Fitzgibbon et du ministère de l’Énergie.

Cette clause de droits acquis (familièrement appelée « clause grand-père ») a été ajoutée dans un amendement déposé la semaine dernière par le ministre Benoit Charette dans le cadre de l’étude du projet de loi sur la performance environnementale des bâtiments, sur le point d’être adopté (voir capsules).

En janvier, le ministre avait indiqué qu’il déposerait un projet de règlement qui empêche les villes de faire cavalier seul pour interdire les branchements au gaz naturel, car elles n’ont pas « l’expertise pour déterminer l’impact de leur décision sur la sécurité énergétique » du Québec.

Lisez l’article « Les villes ne pourront plus interdire le gaz naturel sans l’accord de Québec »

Montréal était visée, puisqu’elle a adopté un règlement qui « interdit les appareils de chauffage qui émettent des GES tels que ceux fonctionnant avec un combustible comme le mazout ou le gaz dans les nouvelles constructions des secteurs résidentiels, commerciaux et institutionnels ».

M. Charette adoucit un peu sa position avec cette clause, mais ne souhaite pas que des règlements se multiplient. Sa crainte : qu’une multitude de villes prennent chacune, de façon « isolée », des idées qui « peuvent sembler bonnes », mais qui, ensemble, peuvent avoir un « impact » sur la sécurité énergétique du Québec.

Le ministre soutient qu’il déposera lui-même, dans les prochaines semaines, un règlement pour interdire les nouveaux branchements au gaz pour certains types de bâtiments. Mais dans d’autres cas, il est en faveur des systèmes de chauffage biénergie, où le gaz naturel peut prendre le relais pour chauffer un bâtiment lors des pointes hivernales.

Une fois que ce règlement sera adopté, les villes pourront demander la permission pour « aller plus loin ».

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Benoit Charette, ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

Il devra y avoir une concertation avec le ministère de l’Énergie. Ça ne sera pas un non de facto. […] Hydro-Québec l’a bien expliqué : par moments, ce n’est pas un non définitif, mais les installations d’Hydro-Québec ne sont pas développées pour recevoir cette demande [électrique].

Benoit Charette, ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

De son côté, le ministère de l’Énergie affirme qu’il est « prématuré » de partager les critères sur lesquels il se basera pour rédiger son avis puisque le projet de loi « n’est pas encore adopté ».

L’arbitrage de Fitzgibbon

Pour la députée de Québec solidaire Alejandra Zaga Mendez, ce n’est pas la situation idéale.

Ça va être Pierre Fitzgibbon qui va avoir un regard sur si on a, ou pas, l’énergie disponible pour électrifier le chauffage des bâtiments. Mais c’est un choix politique de conserver de l’énergie pour une grosse entreprise plutôt que d’électrifier des quartiers à Laval ou à Longueuil, par exemple.

Alejandra Zaga Mendez, députée de Québec solidaire

Mme Zaga Mendez voit l’ajout d’une clause de droits acquis comme un « demi-gain ». « Si on met de la biénergie en 2024, ce système va être encore bon pour 20-25 ans. Mais 2050, c’est notre objectif de carboneutralité », déplore-t-elle.

Elle se réjouit également du fait que M. Charette a réduit au secteur énergétique la clause de « préséance » qu’il avait mise de l’avant dans le projet de loi. « Pour tout ce qui ne touche pas l’énergie, par exemple, des normes pour des toits verts, pour l’isolation des fenêtres, les villes pourront aller plus loin », dit-elle.

Le projet de loi sur la performance environnementale des bâtiments est sur le point d’être adopté. Québec affirme qu’il lui donnera les outils pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le secteur des bâtiments en instaurant des normes de déclaration, de cotation et de performance environnementale pour les grands bâtiments.

Un calendrier serré, des cotes énergétiques

Québec veut réduire ses émissions de GES de 60 % d’ici 2030 dans le secteur des bâtiments institutionnels pour atteindre ses cibles climatiques. Mais le temps presse : après l’adoption du projet de loi, le ministre Benoit Charette doit déposer une série de règlements pour le rendre effectif, et le calendrier est assez serré.

  • 2025 : les propriétaires des bâtiments devront faire une déclaration sur leur consommation énergétique.
  • 2026 : ils recevront une cote énergétique.
  • 2028 : une norme de performance environnementale sera créée, et les bâtiments institutionnels devront s’y conformer.
  • Pour les autres bâtiments (très grands, grands et moyens quant à la superficie), les normes de performance seront mises en place en 2029, 2030 et 2031.

Le résidentiel n’est pas là

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Un four fonctionnant au gaz naturel

Québec solidaire déplore que le secteur résidentiel ne soit pas inclus dans le système de cotation de performance énergétique du gouvernement du Québec. « On aurait voulu voir un plan beaucoup plus serré, qui inclut le résidentiel, avec des mesures de transition », affirme Alejandra Zaga Mendez. Le ministre Charette réplique qu’aller trop vite en forçant le secteur résidentiel à améliorer son bilan énergétique pourrait accentuer la crise du logement. Il pourra toutefois être ajouté dans l’avenir, par un simple règlement.

Des ajouts au Code de construction

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Le ministre Benoit Charette compte adopter un règlement forçant les constructeurs à installer le filage pour la recharge des voitures électriques dans les immeubles de plus de cinq logements neufs.

Avec sa loi, le ministre Charette pourra faire des ajouts au Code de construction du Québec pour rendre les bâtiments plus verts. Il rappelle que le secteur des bâtiments est responsable de 9,6 % des émissions totales de GES au Québec selon les données de 2020, et que son gouvernement veut réduire de 50 % les émissions de GES liées au chauffage des bâtiments en 2030 par rapport à 1990. L’exemple que le ministre donne n’est toutefois pas lié à l’isolation des bâtiments : il compte adopter un règlement forçant les constructeurs à installer le filage pour la recharge des voitures électriques dans les immeubles de plus de cinq logements neufs. Québec va également donner 108 millions en subvention pour « aider à passer le filage dans les bâtiments existants ».