Chaque jeudi, nous revenons sur un sujet marquant dans le monde, grâce au recul et à l’expertise d’un chercheur du Centre d’études et de recherches internationales, de l’Université de Montréal, ou de la Chaire Raoul-Dandurand, de l’Université du Québec à Montréal.

L’Assemblée des Nations unies pour l’environnement est réunie au siège du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) à Nairobi, au Kenya, jusqu’au 1er mars. Les 193 États membres de l’Assemblée – organe décisionnel du PNUE – discuteront de 19 résolutions portant sur des sujets aussi variés que la qualité de l’air, la lutte contre le changement climatique, la lutte contre la désertification et les menaces à la biodiversité.

Bien qu’il fixe le calendrier environnemental mondial et fournisse des orientations politiques générales, le PNUE n’a sans doute jamais eu le poids politique et les outils nécessaires à ses ambitions transformatrices. Conçu comme un programme relevant du Conseil économique et social de l’ONU, il n’a pas l’étoffe d’une agence ou d’une organisation spécialisée autonome de l’ONU. Son budget est limité à des contributions volontaires et son siège est loin des centres d’influence onusiens que sont New York et Genève.

Le PNUE demeure néanmoins la plus haute autorité en matière environnementale dans le système des Nations unies. Il a pour mission d’inspirer et de permettre les transformations nécessaires face à ce qu’il considère comme la triple crise planétaire du changement climatique, du recul de la nature et de la biodiversité et de la pollution.

Alors que le PNUE souligne l’urgence de mettre en œuvre des « actions multilatérales efficaces, inclusives et durables » à l’ère du changement climatique, le Canada pourrait davantage appuyer, et ainsi accélérer, la construction d’une gouvernance climatique et environnementale globale.

S’adapter à l’ère climatique

Pour poursuivre de telles actions multilatérales, il faut commencer par reconnaître que nous ne parlons pas de simple politique environnementale, mais d’une transformation fondamentale du contexte planétaire – tant dans ses dimensions bio et géophysiques que politiques, économiques et sociales.

Les conséquences du changement climatique se font déjà sentir sur tous les secteurs d’activité humaine, y compris ceux de la défense, de la diplomatie et du développement. Au Canada, les débats sur le rôle des Forces armées face aux désastres naturels soulèvent des enjeux sensibles.

Affaires mondiales Canada est à (ré)évaluer plusieurs de ses activités internationales à la vue des effets du changement climatique sur la sécurité, et ce, au moment même où les acteurs de l’aide au développement international doivent s’adapter aux défis du « financement climatique ».

Bien que ces réflexions soient les bienvenues et qu’elles signalent un début d’adaptation à l’ère du changement climatique, elles demeurent ancrées dans une approche réactive qui se concentre surtout sur les conséquences du réchauffement planétaire et qui limite les possibilités pour une transformation profonde des pratiques.

Considérant l’immensité des défis, des risques et des menaces associés à la transformation planétaire réclamée par le PNUE, l’action internationale du Canada doit s’établir sur une nouvelle approche fondée sur des principes de sécurité écologique : l’approche « 3D-Eco ».

« 3D-Eco » : une approche canadienne pour une nouvelle ère

Dans le contexte de son engagement en Afghanistan, le Canada avait conçu l’approche dite « 3D » qui visait à coordonner les efforts de différents ministères autour de l’idée du nexus sécurité-développement, notamment en éliminant les silos entre les activités de défense, diplomatie et développement.

Une approche adoptant des principes de sécurité écologique doit aller au-delà de la coordination interministérielle pour permettre la redéfinition des priorités stratégiques et des actions liées à la défense, la diplomatie et le développement à l’ère du changement climatique.

À la base, la sécurité écologique consiste à assurer la résilience des écosystèmes et des processus écologiques. Elle repose sur la reconnaissance de l’interdépendance entre les espèces vivantes (y compris les humains) de même qu’entre celles-ci et les éléments physiques essentiels à la vie (terre, eau, atmosphère). Ainsi, la nature n’est pas considérée comme externe aux activités humaines, mais comme une partie intégrée et intégrale à celles-ci.

Une approche 3D écologique, « 3D-Eco », permettrait d’être sensible à cette interdépendance, laquelle guiderait les actions et décisions. Le Canada serait en mesure de la développer afin de revigorer le multilatéralisme à l’échelle mondiale.

Ainsi, Ottawa pourrait, par exemple, mener les efforts diplomatiques pour établir les normes, les règles et les protocoles internationaux qui encadreraient les pratiques de géo-ingénierie climatique. Ce domaine épineux – qui couvre un ensemble de techniques visant à manipuler et modifier le climat et l’environnement à grande échelle – soulève plusieurs questions essentielles en matière de gouvernance mondiale. L’accès aux technologies et les effets, bénéfiques comme néfastes, de la géo-ingénierie ne seront pas répartis uniformément. À ces enjeux s’ajouteront les enjeux complexes liés à la distribution des ressources, aux conséquences imprévues et à la coopération internationale.

Une approche de type 3D-Eco s’impose donc à l’ère du changement climatique. Et le Canada, étant donné sa réputation internationale, est bien placé pour faire évoluer les discussions et les pratiques en matière de défense, diplomatie et développement.

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