Il existe des solutions à la crise du financement du transport collectif qui bat son plein cette semaine. L’une d’elles : envisager le financement des transports collectifs sous l’angle du bénéficiaire-payeur. Il est temps d’en discuter.

La ministre Geneviève Guilbault a raison : ce n’est pas sa responsabilité de « gérer » les transports publics. D’ailleurs, personne ne s’attend à ce qu’elle s’imisce dans la gestion des sociétés de transport.

Sa responsabilité, c’est de mettre en place les conditions gagnantes pour que le financement du transport collectif soit récurrent, et que sa planification et son développement soient assurés.

Ce qu’elle ne fait pas.

Et l’ajout des mots « mobilité durable » à son titre de ministre des Transports ne nous convaincra pas du contraire.

Il ne suffit pas de combler les déficits des sociétés de transport pour favoriser le développement des transports en commun.

La responsabilité d’un gouvernement, c’est de voir loin, de prendre des décisions courageuses à propos de l’aménagement du territoire, de la densification, et d’un meilleur accès aux transports publics. Et la responsabilité d’une ministre des Transports c’est, entre autres, de s’intéresser aux déplacements des personnes, peu importe leurs moyens de transport.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault

Mme Guilbault dit qu’elle attend les audits financiers des sociétés de transport. Soit. Il est vrai que ces dernières doivent rendre des comptes sur leur gestion. Mais rien n’empêche la ministre de faire preuve de leadership et de mobiliser tous les acteurs du transport pour discuter de planification et de financement. En voulant gagner du temps, la ministre nous en fait perdre.

Ces réflexions auraient dû débuter dès le lendemain de la pandémie. Plus on attend, plus la situation se détériore.

Un bénéfice qui se paie

À mon avis, la question qu’on doit se poser aujourd’hui est la suivante : qui bénéfice des transports publics ?

La réponse : pas seulement ceux et celles qui l’utilisent.

Les automobilistes aussi en bénéficient puisque le métro contribue à réduire le nombre d’autos sur les routes. Normal qu’ils contribuent au financement du métro et de l’autobus.

En mai, la Ville de Montréal mènera un sondage auprès de sa population, à qui on soumettra plusieurs options :

Devrait-on hausser les tarifs des usagers ? Imposer de nouvelles taxes aux automobilistes ? Gonfler le compte de taxes des propriétaires ? Ou baisser le niveau de service ?

Disons-le tout de suite, réduire le service est une très mauvaise idée qui entraînerait une diminution de la fréquentation, ce qu’il faut éviter.

J’ajoute qu’il manque un choix de réponse à la liste de solutions du sondage : les entreprises et les institutions qui profitent des transports publics devraient-elles contribuer davantage ?

Qu’on pense au CHUM, au Centre Bell, au Palais des congrès ou à la Place des Arts, ils bénéficient tous de la proximité du métro. C’est un facteur positif pour recruter des employés et, dans plusieurs cas, pour attirer la clientèle. Même chose pour toutes les entreprises situées au-dessus de la ville souterraine, ou dont les bureaux sont dans le centre de la métropole, très bien desservi par les transports en commun.

Cette infrastructure de transport qui les avantage coûte très cher. Comment se fait-il qu’ils en jouissent sans débourser un sou ? Sans financer son entretien ?

On me dira que tout ce beau monde paie des taxes foncières, mais ce n’est pas suffisant. Ils devraient tous payer une contribution spéciale, y compris les universités qui en bénéficient grandement.

Qu’on pense à l’UQAM et à l’Université de Montréal, directement reliées à une station de métro, ou à Concordia et McGill, situées à quelques mètres d’une bouche de métro.

Pourquoi pensez-vous que l’Université de Sherbrooke a construit son pavillon au-dessus du métro Longueuil ? Ou que l’Université de Montréal loue désormais des locaux à la station du Quartier du REM, à Brossard ?

Cette accessibilité est un atout majeur pour ces institutions dont le nom est accolé à celui d’une station de métro, une publicité qui ne devrait pas être gratuite.

Tout le monde cherche

Il n’y a pas qu’au Québec qu’on se gratte la tête pour trouver des sources de financement récurrent pour les transports collectifs.

On y réfléchit partout dans le monde.

Le Forum international des transports (une organisation intergouvernementale sous la houlette de l’OCDE) publiait en février un rapport de recherche très bien documenté sur la question dans lequel il énumère plusieurs sources de financement que j’ai nommées plus haut⁠1.

Je retiens surtout une phrase de ce rapport : « Pour relever le défi du transport durable, il faut une réponse hautement stratégique de l’ensemble du gouvernement. »

C’est un peu le contraire de ce que nous offre la CAQ depuis 2018.

Lundi, le maire de Laval, Stéphane Boyer, défendait l’idée d’augmenter la taxe sur l’immatriculation à 228 $, une hausse de 280 %. Hausser cette taxe est une excellente idée et il semble qu’une trentaine de villes ont avisé la SAAQ qu’elles prévoyaient le faire. Mais une hausse de 280 % d’un coup ne ferait qu’alimenter la colère et la frustration des automobilistes. Il faut y aller graduellement et mieux expliquer en quoi cette taxe est justifiée.

Ce travail d’explication et de sensibilisation aux bénéfices des transports collectifs pourrait être assumé par la ministre Guilbault. Encore faudrait-il que la mobilité durable l’intéresse vraiment.

1. Lisez le rapport de l’OCDE (en anglais) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue