Dans les débats actuels sur le pétrole au Québec, les projecteurs sont braqués sur deux questions : les oléoducs et Anticosti.

Trois principaux enjeux dominent les discussions : les risques locaux impliqués, les bénéfices économiques et, évidemment, la question climatique. Il est en effet clair que l'écorce terrestre contient bien plus de carbone que ce que l'atmosphère peut absorber pour limiter la hausse de la température à 2 °C ou moins d'ici 2100.

Chacun de ces trois enjeux soulève des passions et il est impossible d'avoir une réponse satisfaisante pour tous. Les risques de déversement, aussi minimes soient-ils, paraîtront toujours trop grands pour certains. Les bénéfices économiques seront toujours trop asymétriques, et donc irrecevables, pour d'autres : trop pour l'Ouest, trop pour le privé, trop peu pour telle région... Enfin, il serait irresponsable de faire quoi que ce soit dans le domaine du pétrole, parce que nous devons sortir du pétrole : l'impératif climatique doit primer sur les projets locaux.

Effectivement, nous devons sortir du pétrole. Il cause des risques tout au long de sa chaîne de valeur, crée des flux financiers négatifs pour les consommateurs, et les gaz à effet de serre qui y sont liés causent des bouleversements climatiques qui pourraient être catastrophiques.

Mais le débat doit-il vraiment être centré uniquement sur la production et sur les projets qui nous concernent ? Est-ce la bonne approche de s'opposer à un oléoduc, à la fracturation, à l'exploitation au Québec ?

Du point de vue des investisseurs qui sont derrière ces projets, la principale justification se trouve dans la perspective de profit. S'il y a un profit, c'est uniquement parce qu'il y a des acheteurs. Dans leur analyse, la demande de pétrole sera là -  c'est leur raison d'être. Dans la réalité, la demande de pétrole est là : elle est croissante à l'échelle mondiale (+ 10 % ces 10 dernières années) et plutôt stagnante au Québec comme au Canada. Oui, des politiques climatiques voient le jour, mais sont-elles crédibles ? Mènent-elles à une réduction de la demande ?

Au Québec, pourtant un leader de la lutte contre les changements climatiques, la demande de pétrole est stable depuis 2008 : nous n'avons aucunement amorcé une réduction de notre consommation. Pire, nous investissons comme jamais dans de gros véhicules à essence. En 2015, pour la première fois de l'histoire du Québec, il s'est vendu moins de « voitures » que de « camions » (minifourgonnettes, véhicules utilitaires à caractère sportif, camions légers et lourds). En fait, nous avons réduit le nombre de voitures achetées par rapport à 2014, mais augmenté de 20 % les ventes de camions. Les ménages québécois ont ainsi dépensé 15 milliards pour des véhicules neufs en 2015, soit l'équivalent du coût total du projet Énergie Est.

Dans ce contexte d'enlisement local et mondial dans une consommation de pétrole, est-ce prioritaire de bloquer des projets d'oléoducs, d'exploration ?

Même si ces projets ne voyaient pas le jour, n'est-il pas raisonnable de penser que le pétrole serait simplement produit ailleurs - et que si certains risques locaux étaient évités, ni les enjeux économiques ni les enjeux climatiques ne seraient résolus en notre faveur ?

Notre premier ministre peut-il sérieusement se présenter comme un « défenseur des milieux naturels » quand il laisse le Québec s'endetter comme jamais pour acquérir plus de camions - qui resteront stationnés 23 heures sur 24 ?

Les démarches axées sur les solutions existent pourtant. Mais des initiatives comme « Par notre PROPRE énergie » des Conseils régionaux de l'environnement du Québec peinent à faire parler d'elles. Les solutions de mobilité efficaces comme Communauto, Car2Go et Uber sont devant des séries de barrières qu'on tarde à faire tomber. La véritable opposition au pétrole, pourtant, viendra du changement de nos comportements, et non pas de l'interdiction de produire quelque part.

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