Une question agite une bonne partie de l'Afrique depuis un an : les présidents en place peuvent-ils modifier les Constitutions afin de solliciter un nouveau mandat ? La procédure a ses partisans et ses détracteurs, dont plusieurs sont prêts à mourir pour l'empêcher.

Il y a un an presque jour pour jour, Blaise Compaoré, président du Burkina Faso, était renversé lors d'une révolte populaire contre son projet de modifier la Constitution afin de solliciter un nouveau mandat. Au pouvoir depuis près de 30 ans, le président s'était senti suffisamment indispensable pour croire que les Burkinabés allaient le suivre. Mal lui en prit. Il y a un moment où les peuples finissent par être écoeurés. Les Burkinabés sont descendus dans la rue et ont chassé Compaoré. Plusieurs sont morts pour cela.

Dimanche, en République du Congo, le président en place depuis 18 ans (après un premier mandat de 13 ans), soumettait par référendum constitutionnel une nouvelle Loi fondamentale lui permettant de se perpétuer au pouvoir. L'annonce du taux de participation (78 %) et du taux d'appuis au Oui (93 %) était tellement outrageuse que le gouvernement français, d'habitude si complaisant envers certains régimes africains, a dénoncé les conditions dans lesquelles le référendum a été organisé.

L'Afrique a fait de grands pas vers l'établissement de régimes pluralistes et démocratiques. Certains pays, comme le Sénégal et le Kenya, ont une tradition démocratique bien établie depuis leur indépendance. D'autres, et ils sont en majorité, n'ont connu qu'une succession de coups d'État et de dictatures.

TENDANCE À MODIFIER LES RÈGLES

Un vent de changement a soufflé sur le continent au début des années 90. Il a permis l'adoption de Constitutions où les législateurs, conscients des malheurs passés et de l'irrésistible attrait de rester au pouvoir, ont tenu à limiter à deux le nombre de mandats présidentiels. L'Afrique s'est aussi dotée d'une charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance où elle condamne tout changement constitutionnel de nature à porter atteinte à l'alternance démocratique qui permettrait à une même personne de se maintenir au pouvoir. La charte n'interdit pas de modifier les Constitutions, mais son économie générale tend vers la modération et le respect des règles établies.

C'est cette propension à modifier les règles qui provoque débat chez les Africains. Un débat particulièrement vif dans les pays francophones où, avec le Burkina Faso et la République du Congo, les manipulations se multiplient. Le Cameroun, l'Algérie, le Togo et le Tchad ont aboli la limitation de mandat, le Burundi a vu sa Constitution « réinterprétée » pour favoriser le président en place, le Rwanda et le Congo démocratique étudient une modification constitutionnelle.

Les partisans d'une révision constitutionnelle font valoir la nécessité d'assurer la stabilité au sein d'États fragiles toujours en construction. Les opposants répliquent justement que le maintien au pouvoir du même président fragilise les institutions et aboutit souvent au pillage de l'État par son clan. Pour eux, l'alternance serait synonyme de bonne gouvernance. Ce n'est évidemment pas si simple, car bien des opposants arrivés au pouvoir ne font guère mieux que leurs prédécesseurs.

Les Occidentaux sont évidemment prompts à condamner les dérives de certains régimes africains.

Les États-Unis rejettent les changements constitutionnels favorisant plus de deux mandats. Le président rwandais, Paul Kagamé, leur répond que « nul ne peut nous dicter notre conduite ». Il pourrait ajouter que dans plusieurs pays occidentaux les chefs peuvent s'éterniser au pouvoir. Jusqu'en 2008, il n'y avait aucune limitation du mandat présidentiel en France. Dans des régimes parlementaires, au Canada, au Royaume-Uni ou en Australie, un premier ministre peut rester en place des décennies.

On le voit, le débat est complexe. Une chose est pourtant bien établie : la limitation des mandats est une mesure visant à barrer la route aux ambitions démesurées de certains. C'est bien raisonnable.

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