Citoyenne française, je suis arrivée au Québec il y a quatre ans en plein drame familial. Aujourd’hui, à bout de recours et de force dans mes démarches d’immigration, je dépose le bilan.

En 2019, j’apprends que mon frère, jeune ingénieur résidant au Québec depuis deux ans, est atteint d’un cancer. De Moscou, où je prépare un doctorat en stratégie, innovation et gestion de projet de l’expérience des passagers aériens, ma décision est prise. J’atterris à Montréal 48 heures plus tard, laissant une situation confortable et épanouissante du haut de mes 25 ans.

Tout s’enchaîne. Le cancer de mon frère est rare. Il s’est propagé et la chimiothérapie débute. J’enclenche ma démarche en ligne auprès d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) pour un permis vacances-travail (PVT) depuis les salles d’attente de l’hôpital. Initialement, le Québec n’était pas dans mes plans d’avenir. Toutefois, malgré la situation éprouvante, j’y ai trouvé un havre paisible et bienveillant dans les moments les plus douloureux de ma vie.

En 2020, j’apprends la création de la Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes. Les associations de soutien sollicitées m’expliquent, gênées, que leurs services sont destinés aux résidents. Le Consulat général de France à Montréal s’avère alors une ressource précieuse.

Les mois passent, sans nouvelles pour le PVT. De nombreuses heures de recherche, d’appels auprès d’IRCC, auparavant joignable, ainsi que des consultations juridiques demeurent vaines. Cela inclut le rapprochement familial, la fratrie ne constituant pas un critère d’admissibilité. La Fiche de visiteur du Canada, renouvelable aux six mois, sera ma bouée de secours.

La COVID-19 s’installe. Je vivote de six mois en six mois, renouvelant mon statut temporaire, la boule au ventre. Je crains l’expulsion et la séparation avec mon frère qui traverse chimiothérapies, interventions chirurgicales, radiothérapies, greffes.

Après 18 mois de bataille, à juste 26 ans, mon frère est emporté par son cancer. Je serai restée à son chevet jusqu’à son décès.

Je suis toujours là, seule avec mon deuil. Mes démarches administratives en tout genre sont bloquées. Mon dossier à l’IRCC s’enlise durant la pandémie. Mais je fais preuve de résilience. Les règles pour l’obtention du PVT évoluent, pandémie oblige. À la fin 2021, j’obtiens mon PVT par tirage au sort. Je décroche un emploi auprès d’un voyagiste canadien majeur. Je peux enfin mettre à profit mon expérience dans l’industrie touristique. J’occupe toujours cet emploi que j’adore.

Expiration prochaine

Mon permis vacances-travail actuel expirant en décembre 2023, j’anticipe les démarches. Mon employeur m’offre une attestation d’emploi, mais décline ma demande de permis de travail fermé (A75), une formalité lui incombant. Ce prolongement de quelques semaines manquantes est nécessaire pour l’étape suivante, soit l’obtention du certificat de sélection du Québec (CSQ) et par la suite, la résidence permanente.

Dans un souci de proactivité, je dépose une Déclaration d’intérêt et de sélection permanente au gouvernement du Québec sur le portail Arrima.

Six mois plus tard, on m’informe que mes demandes ne sont pas considérées. Un retard non négligeable dans ma situation.

Malgré ce refus, je poursuis mes efforts. Je sollicite l’intervention de mes députés fédéral et provincial, sans succès. Je plaide ma cause auprès du bureau de la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette, afin d’obtenir le CSQ avec anticipation et à titre exceptionnel. Hélas, on ne reconnaît pas, même partiellement, le temps passé au Québec comme proche aidante.

Ce temps précieux n’a évidemment pas de prix à mes yeux. Cet aspect d’ordre émotif ne rentre pas dans les cases des formulaires ni à Ottawa ni à Québec. Quoique l’immigration demeure une démarche fondamentalement humaine, les systèmes en semblent dépourvus.

Malgré ces quatre années de sacrifices et d’abnégation, c’est ici que je me sens chez moi. À l’aube de mes 31 ans, je n’aspire qu’à une chose, pouvoir m’intégrer de manière permanente et me sentir en sécurité pour dessiner de nouveaux projets d’avenir au Québec. J’ai maintenant épuisé toutes mes ressources. Serai-je entendue par les partis concernés ?

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