« Nous n’avons pas d’eau, nous n’avons pas de nourriture. Nous n’avons rien. »

C’est ainsi que l’homme qui se tient debout devant une clinique mobile gérée par Médecins sans frontières (MSF) à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, décrit la situation dans laquelle il se trouve avec sa famille depuis qu’il a été forcé de quitter son domicile deux mois plus tôt. Nous discutons dans la cour d’une petite église du quartier de la Croix-des-Bouquets où se tient la clinique mobile. C’est là qu’il s’est réfugié avec d’autres personnes après avoir fui les attaques de bandes armées qui s’affrontent pour le contrôle de la capitale.

« Aujourd’hui, c’est la première fois que nous voyons quelqu’un et que nous recevons de l’aide », dit-il en parlant de la clinique de MSF. Cet homme dort dans un petit espace avec plus de 900 personnes, sans toit ni toilettes fonctionnelles. Il nous montre de la main des petits enfants, des femmes enceintes et des personnes âgées qui restent dans ce camp de fortune informel. « Nous sommes complètement laissés à nous-mêmes », dit-il.

De multiples crises et une réponse humanitaire insuffisante

L’ONU estime qu’actuellement, plus de 127 000 personnes à Port-au-Prince vivent en déplacement en raison des activités des groupes armés, qui recourent à la violence et à la terreur pour prendre et maintenir le contrôle du territoire, à la fois dans la capitale et ailleurs dans le pays. À presque tous égards, Haïti est aux prises avec une grave crise humanitaire, qui nécessite de toute urgence une réponse internationale d’envergure. Environ 5,2 millions de personnes (sur une population de 11,5 millions) ont besoin d’assistance humanitaire en Haïti et, selon le Programme alimentaire mondial, 4,9 millions de personnes souffrent de la faim.

Même si elle est désespérément nécessaire, l’aide humanitaire reste insuffisante. Les défis liés à l’acheminement de l’assistance humanitaire ne doivent pas être sous-estimés.

Devant les niveaux élevés d’insécurité, de nombreuses agences humanitaires demeurent réticentes à opérer dans les zones les plus touchées. MSF, qui travaille en Haïti depuis plus de 30 ans, est l’une des seules organisations de soins médicaux d’urgence présentes dans le pays.

Il y a quelques jours seulement, dans la nuit du 6 au 7 juillet, une vingtaine d’hommes armés sont violemment entrés dans l’hôpital MSF de Tabarre pour emmener de force un patient blessé par balle qui se trouvait en salle d’opération. Cette intrusion a obligé MSF à suspendre toutes ses activités à l’hôpital. Ce n’est pas le premier incident : plus tôt cette année, MSF a dû fermer temporairement son hôpital dans le quartier de Cité Soleil en raison de la violence qui régnait à l’extérieur des murs de l’établissement. « Nous observons une scène de guerre à quelques mètres de notre hôpital », avait déclaré le conseiller médical de MSF à ce moment.

Que peut faire le Canada ?

Pour que la situation puisse se rétablir en Haïti, il faut que les pays comme le Canada repensent sérieusement leur façon de prêter assistance.

En effet, les formes d’assistance pensées à court terme que nous exerçons habituellement ne permettront pas aux organisations qui le pourraient de répondre aux besoins humanitaires les plus urgents d’Haïti. Elles ne permettent pas non plus de renforcer la présence et les réseaux dont elles auraient besoin pour opérer de façon durable dans un environnement aussi complexe. Le Canada pourrait s’attaquer directement à ce problème grâce à une approche stratégique à long terme de l’assistance humanitaire. Il pourrait aussi utiliser sa notoriété pour encourager les autres membres de la communauté internationale à faire de même. C’est justement ce qu’un groupe de parlementaires canadiens, les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, a recommandé dans un rapport récent intitulé La situation des droits de la personne en Haïti.

Le Canada a donc un rôle important à jouer pour relever les nombreux défis auxquels Haïti fait actuellement face, un pays qui se situe non seulement dans notre arrière-cour hémisphérique, mais avec lequel nous maintenons un engagement d’assistance de longue date.

De retour dans la cour de l’église à Port-au-Prince, un autre homme à qui nous avons parlé voudrait s’assurer que le monde ne reste pas indifférent à sa situation et à celle de ses concitoyens et concitoyennes. « Dites à tout le monde ce qui se passe ici, s’exclame-t-il. Dites à la communauté internationale que les gens en Haïti doivent abandonner tout ce qu’ils ont et qu’ils sont forcés de vivre dans un endroit qui ne leur appartient pas. Ils dorment sous la pluie. Le monde a besoin de savoir. »

Lisez le rapport sur la situation des droits de la personne en Haïti, du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion