Les rues Crevier et Cousineau dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, à Montréal, sont à la fois victimes à répétition des inondations et de décisions administratives qui se font attendre.

En 2017, les autorités avaient une excuse : comment être prêt face à un évènement d’une telle rareté ? Tout le secteur a été inondé. J’ai vu mon bébé de 1 an quitter les lieux dans les bras de pompiers avec de l’eau jusqu’à la taille pendant que je m’acharnais à sauver ce qui pouvait encore l’être chez moi. Le genre d’image qui reste gravée dans la mémoire.

Mon voisin a bien failli mourir dans son demi-sous-sol au milieu de la nuit et s’en est tiré avec la peur de sa vie et un traumatisme tenace.

Les dégâts de 2017 ont été considérables et les coûts à l’avenant. A suivi un long processus de réclamation, tellement complexe que de nombreux citoyens y ont tout simplement renoncé.

À quelque chose malheur est bon. L’élan de solidarité dont nous avons bénéficié nous a émus aux larmes. La Ville, elle, a fait une analyse de l’évènement et a développé des plans d’intervention au cas où la nature déciderait de s’improviser récidiviste.

Ces plans ont porté leurs fruits en 2019. Une digue temporaire a tenu le coup sous le regard apeuré des citoyens déjà traumatisés, mais il s’en est fallu de peu.

2017, 2019, c’est proche pour une crue centennale.

En 2019, si le processus de réclamation s’est amélioré, la petite musique de solidarité qu’on entendait a changé un peu et a été remplacée par : « Ils le savaient bien que c’était inondable ! »

Désormais oui, mais comment partir ? Vendre à perte ?

2023 : nous y sommes ! La nature s’avère être une multirécidiviste ! Quelques cols bleus et ingénieurs innovants ont largement amélioré leur processus. Ce sont désormais de vrais castors. Des simulations LiDAR sont même rendues disponibles pour consultation en ligne. Les résidants les consultent frénétiquement sur leur écran de téléphone à l’affût de chaque mise à jour.

Pour une protection permanente

Mais, petit grain de sable dans ce beau mécanisme… la digue temporaire frôle successivement le débordement, puis la rupture. Sans l’intervention de citoyens, un véritable torrent aurait envahi les rues et transformé nos demeures en piscines nauséabondes. Là encore cet édifice d’ingénierie s’avère être un colosse aux pieds d’argile.

Depuis 2017, un groupe de citoyens se bat pour obtenir une protection permanente. Nous avons eu « quasi » gain de cause récemment avec des plans officiels pour la réalisation d’un « ouvrage de protection » (le mot « digue » est tabou), mais sur une portion seulement de la zone à défendre. Un demi-succès certes… mais une demi-digue n’a jamais empêché l’eau de s’écouler.

L’argument avancé pour ce jugement de Salomon : le ministère de l’Environnement n’autorise aucune construction parallèle à la rivière, car il faut laisser à la rivière la possibilité de s’écouler dans sa plaine inondable…

Pas de chance : cette plaine inondable correspond à l’endroit où depuis 1900 la Ville organise sa croissance et collecte des taxes.

Quelle hypocrisie de ne pas vouloir mettre en place une solution définitive et se battre trois fois en six ans pour obtenir exactement le même résultat en moins fiable, plus dangereux et plus polluant. Tout ça pour répondre aux exigences du ministère de l’Environnement : logique ?

Les matériaux des 500 mètres de digue partiront à l’enfouissement…

Des municipalités comme Sainte-Marthe-sur-le-Lac et Pointe-Calumet ont obtenu les dérogations et sont désormais protégées. Qu’attendent la Ville et le gouvernement pour faire aboutir de telles démarches et protéger les citoyens et l’institution locale qu’est le Club de canotage de Cartierville ? Mystère ?

Nous ne voulons plus subir cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos vies chaque printemps. Tous les modèles le disent : ces évènements vont être plus violents et plus fréquents. Pendant ce temps, les différents ordres de gouvernement jouent à la « patate chaude » et les changements climatiques, eux, n’attendent pas. Les grands perdants à ce jeu sont les citoyens.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion