Le 23 mars 2017, l’Assemblée nationale adoptait le projet de loi 102, une importante réforme de la Loi sur la qualité de l’environnement qui devait entrer en vigueur un an plus tard, soit le 23 mars 2018, il y a donc cinq ans. Ce qui fut fait. À l’exception d’une seule disposition, l’article 118.5 portant sur la création du registre public d’accès à l’information environnementale qui, selon la loi adoptée, doit entrer en vigueur « à une date qui sera fixée par décret du gouvernement ».

Or, six ans après l’adoption de cette loi et huit ans après l’annonce du gouvernement Couillard de créer un tel registre public dans le livre blanc ayant précédé le dépôt du projet de loi 102, il n’y a toujours aucun décret gouvernemental en ce sens.

La création du registre public environnemental était pourtant présentée par le gouvernement, à l’époque, comme la pièce maîtresse devant corriger les principales lacunes observées en matière d’accès à l’information environnementale et une des grandes avancées de ce projet de loi pour la population québécoise.

Depuis six ans maintenant, le ministère responsable de l’environnement affirme « travailler » sur l’implantation du registre public à tous ceux et celles qui cherchent à se renseigner sur une éventuelle entrée en vigueur. Il semble qu’il n’y ait pas que la SAAQ qui éprouve des difficultés avec les outils technologiques devant « faciliter » la vie des citoyens ! Je ne suis pas du tout complotiste, mais je ne peux croire que des « difficultés techniques » puissent justifier de tels délais. D’autant plus que depuis 2018, tous les documents transmis au ministère par les demandeurs d’autorisation doivent l’être sous forme numérique.

Pour ma part, ce retard ne peut s’expliquer que par une absence de volonté politique due à un lobbying intensif d’entreprises et de regroupements d’entreprises ouvertement opposés au registre tel qu’adopté par l’Assemblée nationale en 2017.

Il faut rappeler que l’article 118.5 devant entrer en vigueur, un jour peut-être, concerne spécifiquement les diverses demandes d’autorisations environnementales soumises au ministre, généralement par des entreprises, ainsi que les autorisations délivrées.

Un désir de transparence

On y prévoit, entre autres, que « tous les renseignements, documents, études et analyses mentionnés à l’article 27 qui porte sur les documents et renseignements que doit contenir une autorisation ministérielle, ainsi que les autres renseignements, documents ou études faisant partie intégrante de celle-ci en vertu d’une autre disposition de la Loi sur la qualité de l’environnement sont publics », ainsi que rendus rapidement et facilement accessibles à la population par le biais du nouveau registre.

Cet ajout visait à corriger une des principales lacunes de la précédente loi, qui faisait que les conditions d’autorisation émises par le ministre demeuraient généralement secrètes. Conséquemment, la population québécoise ne pouvait connaître les conditions d’autorisation environnementale de nombreux projets et le droit établi de tout citoyen de prendre une injonction environnementale pour « faire respecter les conditions d’autorisation » d’un projet devenait tout à fait illusoire.

Cette situation faisait l’objet de nombreuses critiques et le projet de loi 102, déposé en juin 2016, faisait de la divulgation publique de l’ensemble des conditions d’autorisations un enjeu majeur et une avancée notable. Initialement, le projet de loi ne prévoyait d’ailleurs aucune exception à cette obligation de divulgation, même pour tout type de document remis par les demandeurs d’autorisation.

Mais les associations patronales ont alors poussé les hauts cris et elles ont été entendues.

En décembre 2016, lors des travaux en commission parlementaire sur le projet de loi, un malheureux amendement fut adopté, spécifiant que les demandeurs d’autorisation environnementale allaient bénéficier des restrictions énoncées aux articles 23 et 24 de la Loi dite sur l’accès aux documents des organismes publics, restrictions leur donnant un total droit de veto sur la divulgation de ces documents par le registre public à être créé. C’était un grave recul, même par rapport à la situation antérieure !

Un précédent

Heureusement, grâce à la vigilance du Centre québécois du droit de l’environnement, une campagne de mobilisation a amené le ministre David Heurtel à proposer une solution de compromis et à retirer les articles 23 et 24 de la Loi dite sur l’accès aux documents des organismes publics comme restrictions pouvant affecter le registre public. Au grand dam des regroupements d’entreprises qui pensaient bien avoir réussi leur coup !

Or, le fait que la loi adoptée en 2017 prévoit que le registre de 118.5 n’entrera en vigueur qu’à une date prévue par l’adoption d’un décret du gouvernement offre aux regroupements d’entreprises une « issue de secours » et une magnifique occasion de faire du lobbying auprès du ministère de façon à retarder le plus possible cette mise en vigueur, sinon l’empêcher. À cet égard, il existe un important précédent, puisqu’en 1978, lors de l’adoption initiale de la Loi sur la qualité de l’environnement, un article prévoyait spécifiquement la création d’un fonds d’aide visant à favoriser la participation citoyenne lors des audiences du BAPE.

Mais cet article devait lui aussi entrer en vigueur ultérieurement, « à une date devant être définie par l’adoption d’un décret du gouvernement ». Vous devinez la suite, un tel décret n’a jamais été adopté et on a finalement abrogé l’article en question en 2017 ! La population n’a toujours aucune aide financière pour participer aux audiences publiques du BAPE, 45 ans après l’adoption d’une loi qui le prévoyait !

En sera-t-il de même pour la création d’un registre public favorisant l’information environnementale à cette même population ? J’ose espérer que non, mais la question se pose… Au gouvernement de la CAQ d’y répondre. Rapidement !

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