En réponse au ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, qui a déclaré la semaine dernière qu’il ne changera rien à l’école à trois vitesses.

Au cours de la dernière année, je me suis intéressée à ce fameux système d’éducation secondaire à trois vitesses (écoles privées, programmes à vocation du public, programme régulier du public). J’en ai fait une balado où on comprend qu’il y a des failles dans le système d’éducation secondaire.

Je vous recommande chaleureusement l’épisode 4, Monsieur le Ministre. C’est l’épisode où on remonte jusqu’à la racine du problème, pour mieux en saisir les conséquences.

On y parle d’une étude que le chercheur Pierre Kanisius Kamanzi a publiée en 2019 et qui s’intéresse aux trajectoires des élèves. À 22 ans, les élèves ayant fréquenté le privé allaient à l’université dans une proportion de 60 %. Chez les élèves qui avaient étudié dans un programme enrichi au public, c’était 51 %, et chez ceux des écoles publiques régulières… 15 % !

Ce que cette étude nous dit, c’est que l’école secondaire ne donne pas des chances égales à tous les élèves depuis que le système a commencé à les séparer en fonction de leurs revenus et de leurs performances. Elle reproduit plutôt les inégalités sociales. On appelle ça de la ségrégation scolaire.

Et peu importe les ressources qu’on y ajoutera, les classes des programmes réguliers du public ne seront jamais viables parce qu’on les a privées de deux choses : de mixité sociale et de mixité scolaire.

On a oublié que la mission de l’école n’est pas seulement de permettre à chaque enfant de réaliser son plein potentiel, mais de faire en sorte que les enfants de tous les milieux se côtoient.

Cette idée, de donner des chances égales aux enfants issus de tous les milieux, c’est celle qui a guidé la commission Parent dans la création de l’école secondaire telle qu’on la connaît. À une exception près : pour dénouer le débat sur le financement des écoles privées, la commission Parent a fait un compromis : elle a permis la sélection des élèves et la facturation des frais aux parents. Une brèche s’est créée et cette brèche est devenue un fossé.

Et curieusement, ceux qui l’oublient sont souvent ceux qui ont le privilège de retirer leurs enfants des classes régulières.

Alors dans un système où les jeunes sont de plus en plus envahis par l’anxiété, on va continuer de maintenir des examens de sélection, une course aux écoles, le stress sur les familles qui essaient d’éviter que leur enfant se retrouve « en rien », comme plusieurs jeunes décrivent le régulier.

Chacun pour soi. Le meilleur pour mon enfant. Et que ceux qui n’ont pas les moyens financiers ou les dossiers scolaires pour accéder à mieux restent dans la voie de garage.

De nombreux parents, même s’ils croient à la mixité sociale et scolaire, vont continuer de « sauver » leur enfant en trouvant la meilleure option dans un système cassé. Et un enfant à la fois, notre système va continuer de s’éloigner d’une vision de l’éducation comme ciment social et non comme une solution individuelle sur mesure.

L’école québécoise, dans sa forme actuelle, ne donne pas des chances égales à tous les enfants. Et je ne comprends pas comment, comme société, on a décidé de fermer les yeux sur cette injustice majeure. Comment nos députés et notre gouvernement, dont c’est le travail à temps plein de représenter les citoyens de tous les milieux, ont décidé qu’on pouvait se passer d’une éducation égalitaire ?

Pour toutes ces raisons, j’invite M. Drainville à faire ses devoirs et peut-être, tiens, à commencer par relire le rapport Parent.

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