En ce début décembre, Montréal accueille l’imposante 15e Conférence des parties à la Convention sur la biodiversité : des personnes issues des domaines de la gouvernance, de la science, de la politique, de la société civile ou encore des décideurs et des lobbyistes seront réunis. Tout le monde a un message et a hâte d’être entendu, mais le défi est d’être écouté.

Les gens des quatre coins du monde parleront de la biodiversité, de son taux de perte stupéfiant, des idées pour contrer cette tendance et présenteront de nombreuses excuses pour le peu de progrès effectué. Un petit village mondial émergera pour discuter des façons de mobiliser l’opinion publique, rassembler la volonté politique nécessaire et faire collaborer les acteurs politiques, financiers et scientifiques. C’est du déjà-vu.

Des crises inextricablement liées

Comme le notoire canari dans la mine de charbon, la perte de biodiversité annonce une urgence. L’eau que nous buvons, l’air que nous respirons, la nourriture que nous mangeons dépendent tous de différents types d’espèces qui interagissent.

Il y a 66 millions d’années, un astéroïde a anéanti pratiquement tous les dinosaures et les trois quarts des espèces végétales et animales de la planète.

Aujourd’hui, la Terre est confrontée à une autre extinction de masse — et cette fois, nous sommes les coupables.

Nous sommes également responsables de la crise climatique, l’un des principaux moteurs de la perte de biodiversité. La hausse des températures, les événements météorologiques extrêmes, l’acidification des océans peuvent mener à une extinction imminente de différents types de vie sur Terre. La perte de biodiversité entraîne la dégradation et même la destruction d’écosystèmes cruciaux — forêts et océans — ce qui aggrave davantage la crise climatique.

De plus, l’effet combiné du changement climatique, de la perte de biodiversité et d’autres facteurs sont susceptibles d’avoir un impact majeur sur la paix dont nous jouissons encore dans une grande partie de la planète, même si malheureusement, des pays et des régions en subissent déjà les conséquences et sont affectés par la dégradation massive de nos écosystèmes.

Nos systèmes de gouvernance locaux et mondiaux devront gérer les nombreuses permutations de conflit qui en émergeront. Partager moins entre beaucoup quand nous n’avons pas appris à partager et à préserver quand nous en avions plus n’est pas une recette pour un monde stable et prospère. La résolution de cette crise complexe planétaire est également un sujet préoccupant en matière de sécurité : ceux qui s’occupent des thèmes liés au changement climatique et à la perte de biodiversité sont de plus en plus confrontés à ce nouvel angle.

Sortir des silos

Les crises du climat et de la biodiversité sont donc inextricablement liées, et leurs solutions le sont également. Alors que la perte de biodiversité et le changement climatique sont souvent traités séparément, la manière de résoudre ces crises est étroitement liée. Comme a déclaré récemment Elizabeth Maruma Mrema, secrétaire exécutive de la Convention sur la diversité biologique (CDB), nous travaillons en silos et nous devons les dépasser.

Les habitats conservés ou restaurés peuvent éliminer le dioxyde de carbone de l’atmosphère, les mangroves intactes peuvent protéger contre des événements météorologiques extrêmes plus fréquents, de grandes forêts préservées contribuent à la régulation des régimes de précipitations, une biodiversité dynamique est essentielle pour notre sécurité alimentaire. Et la liste continue.

Le sommet de la Terre de Rio en 1992 a donné lieu à trois conventions qui ont mis en lumière trois menaces : le changement climatique, la biodiversité et la désertification. Si chacune fait l’objet de conférences périodiques des parties (COP), le changement climatique semble prédominer.

La lutte contre le changement climatique a en effet des implications géopolitiques et financières énormes puisque les politiques et les engagements gouvernementaux qui sont adoptés pour lutter contre cette crise ont des conséquences sur le secteur de l’énergie, un des plus riches. Alors que la perte de la biodiversité ou la désertification ne reçoivent pas le niveau d’attention approprié compte tenu de la gravité de la situation.

Des modèles de gouvernance imparfaits

Cette COP15 renouvellera-t-elle les engagements mondiaux pour mettre fin à la crise de la biodiversité ? Un mince espoir subsiste. Cependant, les cibles fixées en 2010, qui ont expiré en 2020, n’ont pas été atteintes. La COP15 offrira probablement peu ou pas de réflexion sur les raisons pour lesquelles la mise en œuvre de l’ensemble des objectifs de 2010 a été un échec. Ces objectifs seront simplement remplacés par un nouveau cadre, le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020, que les États membres devraient adopter. Celui-ci décrit les obligations, individuelles et collectives, des États membres, visant à protéger les espèces et les écosystèmes.

D’une manière ou d’une autre, la nature et le rythme de ce processus ne semblent pas correspondre à l’urgence de la situation et soulèvent une préoccupation légitime au sujet de nos cadres institutionnels actuels. Néanmoins, devrions-nous laisser une chance à cette occasion créée par nos modèles de gouvernance mondiale imparfaits, même si les résultats pourraient s’avérer insuffisants et tardifs ? La COP15 doit livrer des résultats cette fois-ci. Nous n’avons plus le choix.

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