Le Mois de la littératie financière qui s’achève nous a permis de confirmer un changement profond qui s’opère à grande vitesse. La transformation numérique des services financiers se répercute sur nos vies, en procurant une multitude de bénéfices, mais aussi en faisant poindre plusieurs enjeux importants.

Au bout de nos doigts, notre téléphone devient un portail ouvert sur le monde qui inclut notamment une foule de services financiers dont nous avons besoin : des services bancaires, de courtage de valeurs mobilières, de gestion de finances personnelles, d’assurance, et j’en passe… Ces services nous suivent où que nous soyons. Ils sont personnalisés, disponibles de jour comme de nuit et de plus en plus diversifiés.

Les intervenants du secteur financier québécois visent à maintenir de hauts standards d’intégrité et de protection des consommateurs. Toutefois, lorsque ces derniers naviguent sur le web, ils ont accès non seulement aux services en ligne des intervenants d’ici, mais également à ceux de plusieurs autres fournisseurs établis ailleurs dans le monde, dont certains ne se conforment pas à ces mêmes standards, ou sont carrément malintentionnés.

Les risques de l’ère numérique

Les activités de vigie que nous conduisons à l’Autorité nous ont amenés à nous intéresser davantage à ce vaste choix de services financiers numériques disponibles sur le web, aux pratiques de marketing utilisées en ligne, et à l’influence de ces pratiques et des médias sociaux sur la prise de décision des consommateurs. Nos constats sont préoccupants.

D’abord, le numérique est un terreau fertile pour la fraude : les fraudeurs profitent de l’anonymat du web et d’un accès privilégié à notre quotidien, qu’ils observent facilement à partir de notre trace numérique, ces données à la fois sensibles et révélatrices de notre vie privée, que nous laissons tout bonnement derrière nous lorsque nous naviguons sur le web.

Ensuite, on observe, notamment sur plusieurs plateformes de négociation en ligne, des techniques de marketing numérique qui visent à influencer la prise de décision des investisseurs.

Ces techniques peuvent amener ceux-ci à faire des gestes qui ne sont pas nécessairement dans leur intérêt, comme s’engager dans des opérations financières incompatibles avec leurs objectifs d’investissement ou leur tolérance au risque.

Finalement, les jeunes consommateurs ainsi que ceux qui investissent de manière autonome et ceux qui investissent dans les cryptoactifs adoptent de façon grandissante les médias sociaux comme source d’information… ou de désinformation. Leurs décisions financières sont ainsi de plus en plus tributaires d’« influenceurs financiers », des individus qui se disent investisseurs aguerris et qui partagent généreusement leurs « secrets » pour faire fortune.

Toutefois, dans la plupart des cas, ces « finfluenceurs » n’ont pas comme réel objectif d’informer adéquatement leur public, mais plutôt de générer le plus grand nombre de vues ou de clics, ou de profiter financièrement d’un buzz qu’ils contribuent à créer pour des titres ou des cryptoactifs, dans lesquels ils ont eux-mêmes investi.

Impacts des technologies sur les consommateurs

Deux constats principaux se dégagent des réflexions que nous avons rendues publiques en marge de la 17édition de notre Rendez-vous avec l’Autorité, le 22 novembre dernier, devant plus de 400 intervenants du secteur financier.

D’abord, la littératie financière traditionnelle ne suffit plus : les consommateurs doivent aussi apprendre à utiliser les applications mobiles de façon sécuritaire, reconnaître la fraude en ligne, protéger leurs renseignements personnels et consentir à leur partage de façon éclairée.

Ensuite, la prudence des consommateurs revêt aujourd’hui une importance capitale. Le volume sans cesse croissant d’information véhiculée sur le web et les médias sociaux, la désintermédiation de certains marchés — comme celui des cryptoactifs — et l’offre de services financiers numériques d’entreprises établies dans des pays ou territoires ayant un encadrement laxiste ou inexistant constituent des défis de taille pour tous les régulateurs, y compris pour l’Autorité.

La vigilance des consommateurs s’avère ainsi la première ligne de défense face aux enjeux du numérique et doit donc, plus que jamais, se superposer aux efforts que nous déployons comme régulateur, notamment en éducation financière et en sensibilisation.

J’invite ainsi tous les intervenants du secteur financier québécois à agir avec nous, dès maintenant, pour mieux outiller les consommateurs québécois face aux enjeux du numérique. Développer leurs réflexes de vigilance est un investissement rentable pour l’intégrité du secteur financier d’aujourd’hui et de demain.

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