Je sais pas pour vous, mais je suis incapable de couper des oignons sans pleurer ma vie.

Aujourd’hui, je fais ma grosse sauce à spag. Un plat réconfortant en ce début d’hiver. Ça sent bon et on devrait en avoir pour un bout de temps. Un temps de pause dans une journée de grand ménage dans la chambre de mon plus vieux.

« Mes cartables brisés de l’école ? Au recyclage, j’en aurai plus besoin… j’espère, ha ha ! »

Les secrets d’archéologue dans le fond de la garde-robe, recouverts d’un pouce de poussière, aux poubelles ! Le chandail préféré avec un gros requin sur le devant portant le slogan « Make the ocean a better place », à la guenille.

« Il est tout troué pis il me fait plus anyway. »

Dans quelques jours, mon grand homme quitte le nid familial avec sa commode d’enfant et je suis si heureuse pour lui…

« Oh, mon petit ours brun ! Ça, je le garde par contre. Tu peux le mettre dans ma boîte de souvenirs au sous-sol s’il te plaît ?

— Oui, oui, bien sûr mon grand, ça va me faire plaisir !

— Super, merci m’man ! »

Ça me rappelle comment je me sentais il y a 30 ans déjà, alors que j’étais dans sa situation, le cœur gonflé à bloc, prête à vivre ma vie d’adulte.

Il y a quelques jours, lorsque j’ai dit à mon père que mon plus vieux se préparait à partir au début de décembre, il m’a dit, l’œil humide : « Oh, c’est un dur moment pour les parents, ça…

— Ouais… »

Je comprends maintenant tout le bonheur qui les habitait quand j’allais les visiter à Québec pendant un long week-end. Et toute la mélancolie que je devinais monter en eux, derrière leurs sourires trop grands, quand je les saluais de la main, insouciante, en reculant dans l’entrée pour reprendre l’autoroute 20 vers Montréal. Tout l’amour du monde en guise de compagnon de voyage au retour, alors que le coffre de ma voiture débordait de petites douceurs, de sacs de plastique noirs dans lesquels étaient entassés mes vêtements fraîchement lavés, pliés tendrement et de ma glacière remplie de sauce à spag…

À l’aube de son départ, je me demande si j’ai suffisamment savouré ces 20 dernières années passées auprès de lui.

Je n’en reviens pas à quelle vitesse celles-ci ont filé, entremêlées dans un tourbillon incessant de lessives, de repas, de ménage, de devoirs, de bobos, d’anniversaires, de taxi, de soupers hot-dog pour fêter la rentrée scolaire, de fins des classes… et de lunchs faits avec amour !

Tant d’instants où on coche des tâches sur la liste de nos charges mentales, sans s’arrêter vraiment. Des moments pendant lesquels la vie passe finalement.

La vérité derrière tout ça, pour moi, c’est que je vis un véritable chagrin devant l’impossibilité de continuer à côtoyer ce merveilleux être humain quotidiennement.

C’est une autre étape charnière dans la vie d’une femme, un peu comme la naissance d’un enfant. C’est beau et bouleversant à la fois.

Il y aura beaucoup d’oignons dans ma recette cette fois-ci…

« Fais-nous signe de temps en temps pour nous dire que tout va bien, ok ? La sauce à spag est en route. Hésite pas à venir en chercher. »

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