Au moment où, passé un certain âge, vous avez tout particulièrement besoin de votre médecin de famille, il prend justement sa retraite. Vous ne pouvez vraiment pas lui en vouloir puisqu’il a déjà franchi le cap des 75 ans. Il va sans dire qu’il a abondamment fourni sa part d’effort, et c’est sans doute à contrecœur qu’il a dû abandonner son métier, sa passion.

Ma rencontre annuelle avec lui me manquera beaucoup. Non seulement il savait soigner consciencieusement mes petits et plus grands maux physiques, mais aussi son humour et son écoute avaient un effet réconfortant sur le plan moral. Les quelques minutes passées chaque année à le consulter valaient largement les heures que j’ai dû consacrer à l’attendre alors qu’il s’occupait avec professionnalisme et bonhomie de ses autres « patients ».

« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », dit la maxime. Mais de récents contacts avec un responsable de notre système de santé risquent de faire mentir cet adage après que j’eus appris avec consternation que n’ayant plus de médecin de famille, il m’était désormais impossible d’obtenir un bilan de santé annuel couvert par l’assurance maladie.

Alors que j’ai payé des impôts pendant toute ma vie et que j’en acquitte encore, mon seul recours consisterait à m’adresser à une clinique privée et à débourser des centaines de dollars supplémentaires par année pour accéder à cet important service médical que j’estime indispensable.

Cette situation contrevient nettement à l’esprit de la Loi canadienne de la santé qui précise que les résidants canadiens doivent avoir un accès satisfaisant aux services médicaux et hospitaliers nécessaires sans avoir à débourser d’argent. Tous les assurés de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) sans exception devraient ainsi pouvoir jouir d’un accès gratuit au bilan de santé, un acte de prévention nécessaire — voire essentiel – pour empêcher l’apparition ou l’aggravation des maladies, tout particulièrement chez les personnes âgées.

Deux classes de citoyens

La Loi sur l’assurance maladie du Québec indique pour sa part que le coût relié à tous les services que rendent les médecins et qui sont requis au point de vue médical doit être assumé par la RAMQ pour le compte de toute personne assurée. Est-ce à dire que le bilan de santé auquel ont accès gratuitement les patients qui ont la chance d’avoir un médecin de famille est requis au point de vue médical, mais qu’il ne le serait pas pour les patients (assurés) sans médecin ? On parle souvent d’une médecine à deux vitesses au Québec. Sans doute le moment est-il venu de parler également de l’existence inacceptable chez nous de deux classes de citoyens en matière de santé.

Si je me sens moins seul, je ne me console guère en pensant aux quelque 800 000 autres Québécois et Québécoises sans médecin de famille qui comprennent viscéralement ma frustration.

Est-il vrai que le Collège des médecins a toujours veillé à limiter l’accès à la profession ? Avons-nous vraiment voté pour des partis politiques qui nous promettaient à tous l’accès à un médecin de famille ? Combien de gouvernements se sont engagés formellement à réformer notre système de santé ? Ma conjointe est inscrite depuis cinq ans sur la liste d’attente du Guichet d’accès à un médecin de famille. Un représentant compatissant de ce service la rassure : certains y sont depuis huit ans !

À l’approche de la saison des Fêtes, permettez-moi de vous souhaiter un médecin pour Noël !… Ou à tout le moins le remboursement intégral par la RAMQ d’un bilan de santé annuel. Et si ce n’est pas pour cette année, ce sera peut-être pour un Noël que célébreront vos descendants.

Sur une note plus optimiste, il me semble que le nouveau Guichet d’accès pour la clientèle orpheline (GACO) fonctionne bien et rend rapidement de précieux services pour un seul problème de santé à la fois. Il n’en demeure pas moins qu’un suivi personnalisé et à long terme, axé concurremment sur les soins préventifs et curatifs, représentera toujours pour moi la meilleure formule.

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