Le film She Said, de Maria Schrader, vient de prendre l’affiche. J’y suis allée en pensant réfléchir à l’affaire Weinstein : j’en suis sortie pleine de réflexions autour de l’affaire Julien Lacroix.

She Said relate avec brio l’enquête menée par deux journalistes du New York Times. Même si dans cette histoire, on est face à un prédateur maladif, qui a érigé tout un système pour maintenir son stratagème pendant plus de 15 ans, j’estime que nous pouvons tirer des enseignements de ce film pour nos propres affaires de violences sexuelles.

La force du film She Said réside selon moi dans sa capacité à montrer la diversité des réactions des victimes de violences sexuelles. Leur réaction au moment des évènements et la manière avec laquelle elles composeront avec ces derniers pour le reste de leur vie. Aucune scène d’agression n’est montrée dans She Said. Je ne saurais saluer assez ce choix artistique, qui nous force à écouter, à imaginer, à ressentir autrement. Et c’est ce dont nous avons besoin, nous, les femmes qui vivent avec leur collection d’évènements de harcèlement, d’attouchements, d’agressions.

Un mythe à déconstruire

Le film repose donc sur plusieurs scènes de conversations entre les victimes de Weinstein et les journalistes. Des bouts de discussions téléphoniques, des rencontres, des messages échangés. À travers ces récits, la diversité des réactions face aux agressions sexuelles se déploie.

Je pense à ce personnage qui raconte comment, au moment où Weinstein l’agressait, il a figé, stop, plus rien. Non seulement la femme ne s’est pas débattue, mais elle raconte à la journaliste avoir même feint un orgasme. Cette scène est importante. Elle contribue à écailler le mythe encore tenace de la « vraie victime ».

On ne peut jamais prédire la réaction d’une personne à une agression sexuelle. Vous vous tromperez sûrement en imaginant votre propre réaction à une potentielle agression… Le corps déploie des mécanismes et des stratégies qui lui sont propres et impossibles à contrôler ou prévoir. Sidération, dissociation, banalisation : tous ces mécanismes sont possibles et valides. Et il en va de même pour les façons avec lesquelles nous vivrons le reste de notre vie. Des traumatismes plus ou moins sévères, de la colère, du déni, de la banalisation, et parfois tout cela. Ces sentiments fluctuant au rythme des années qui passent.

Ce mythe de la « vraie victime », c’est-à-dire celle qui se débat, qui court à la police et qui ne reparle surtout pas à son agresseur, continue de polluer notre système judiciaire et nos imaginaires. Nous avons intégré ces représentations des réactions aux agressions sexuelles et commençons à peine à nous en éloigner. J’espère que le film She Said sera vu par un large public afin d’élargir notre conception des manières de vivre et de s’expliquer les violences sexuelles que nous avons subies.

Je souhaite que cette conversation publique autour des dénonciations nous ramène aux faits de base : un nombre effarant de femmes ont vécu et continuent de vivre des violences sexuelles. Nous aurions tort de les « classer » selon leur sentiment d’être ou non une victime, selon leur façon de continuer à vivre avec ces évènements. Je ne me sens pas toujours comme une victime, mais j’ai été victime d’agressions sexuelles. C’est un fait que personne, pas même moi, ne peut contester. Ce n’est pas une question de ressenti.

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