Le slogan « femme, vie, liberté », cri du cœur des Iraniens, s’apparente à la Révolution française et la célèbre devise qui en découla : « liberté, égalité, fraternité ». Il représente le courageux combat pour la liberté et les droits fondamentaux, que les jeunes Iraniens qualifient de révolution. Ils n’ont pas tort.

Le pays appartient à la jeunesse libre de toute idéologie, et sa revendication est de reprendre l’Iran⁠1 des mains ennemies⁠2. Autrement dit, l’Iran veut déraciner la République islamique, et passer, sous nos yeux, de l’obscurantisme religieux à la modernité. Aujourd’hui, une révolution est en cours, certes, mais une révolution à l’iranienne.

« Femme, vie, liberté », scandé dans les rues de l’Iran jusqu’à celles de l’Occident, est lancé pour devenir la devise d’un Iran démocratique et laïque. Une devise qui reprend les trois éléments engloutis par le régime. « Femme », parce que le régime la fait disparaître dans tous les sens du terme ; « vie », parce que le régime tue et glorifie la mort ; « liberté », parce que le régime la persécute sous toutes ses formes. Une devise offerte au peuple iranien par sa population kurde — « Jin, Jiyān, Āzādi ».

C’est une façon d’honorer cette minorité, en raison de son opposition légendaire depuis l’avènement du régime, et d’intégrer ce slogan à une révolution nationale de l’Iran contre la République islamique.

L’Iran, dans sa diversité ethnique, s’est vu accablé par la stratégie du « diviser pour régner » du régime au pouvoir depuis 1979. Cette stratégie conçue pour diviser le peuple, afin d’éviter qu’il s’unisse contre le pouvoir, succombe à une défaite colossale. La solidarité inédite d’un peuple, qui avait été délibérément désuni, est un caractère important de la révolution qui porte en son cœur toutes les valeurs permettant une démocratie saine et viable.

Ainsi, la jeunesse iranienne, dans un élan solidaire, entame une révolution pour rectifier « l’erreur de 1979 »⁠3 et se départir d’un régime qui ne peut s’ajuster à la mentalité populaire. Néanmoins, la transition se fait forcément dans une violence abominable qui n’épargne pas même les enfants⁠4.

Les images envoyées directement du champ de bataille dressent un tableau de la situation qui n’est pas sans rappeler La Liberté guidant le peuple, d’Eugène Delacroix.

Marianne, figure allégorique et incarnation de la liberté, est réelle en Iran : Mahsa Jina Amini. L’autre particularité de la Marianne iranienne est qu’elle n’est pas seule : Nika, Sarina, Hadis, Asra, Armita, et toutes les « femmes » qui deviennent chaque jour symboles de la « liberté ». Forte d’une jeunesse égalitaire, la mobilisation a rapidement engagé des hommes de classes sociales différentes : Mehrshad, Komar, Shervin, Hossein, Toomaj — pour n’en citer que quelques-uns.

Le gavroche iranien est un autre symbole qui se dégage de ce tableau réaliste. Les écolières et leur petite voix se font entendre dans le monde entier. Le voile obligatoire dans une main, le poing serré, sous des pas déterminés, la révolte des enfants cible les piliers de la République islamique.

Enfin, la dure réalité de la mort englobe l’entièreté du tableau des révolutionnaires iraniens, puisque pour la plupart, la « vie » leur a été cruellement retirée.

La révolution qui est donc menée par les femmes, soutenue par les hommes et les enfants, n’a pas de classe sociale ni d’ethnie ou de langue.

C’est une révolution portée par les Iraniens unis, laïques et égalitaires, aux larges aspirations de liberté et de démocratie, et dont l’héroïsme est plus qu’admirable. Une vérité qui mérite d’être peinte.

Contrairement à Charles X, Khamenei ne descendra pas de son trône, et le corps des Gardiens de la révolution islamique ne lâchera pas les rênes non plus. Guidé par une idéologie khomeyniste et l’Islam politique, le régime est prêt à tout pour survivre. La République islamique remplit les cimetières, où reposent maintenant la bravoure de ses opposants et l’innocence de ses enfants. Les crimes atroces sont mis au grand jour. Le masque tombe et la nature vraie du régime au pouvoir se laisse observer, nue et sans pudeur.

Par ailleurs, le régime exporte son idéologie désastreuse et le bruit de ses bottes paramilitaires résonne au-delà des frontières du pays. Pour la dictature des mollahs, l’Iran ne constitue rien de plus qu’une base militaire. L’ayatollah Khomeini était clair dès le début ; sur le ciel de Téhéran, lorsqu’un journaliste lui demande ce qu’il ressent à son retour d’exil, sa réponse glace le sang : « rien ».

Ce sera au peuple de guider la révolution vers la chute d’un régime, maintenant illégitime ; et à la communauté internationale de soutenir la révolution, et son universalisme souligné par le président français, Emmanuel Macron. Un régime anti-femme, anti-vie, anti-liberté n’a pas sa place dans une société laïcisée et dans un monde où les droits de la personne sont universels. Laissons la lumière de ces jeunes Iraniens vaincre les ténèbres de l’islamisme s’agrippant au pouvoir. Pour eux, pour elles, soyons acteurs et actrices dans cette mobilisation mondiale pour la liberté, car notre union fait leur force.

1. Slogan « Mijangim, mimirim, Irān ro pass migirim » : on se battra, on mourra, on reprendra l’Iran.

2. Slogan « Doshmane mā haminjāst, dorough migan Āmrikāst » : notre ennemi est ici, ils mentent quand ils disent que ce sont les États-Unis.

3. Écrit à plusieurs reprises sur les murs de Téhéran.

Voyez un exemple

4. Au moins 43 enfants ont perdu la vie sous les coups et les tirs des forces armées, et ces chiffres ne cessent d’augmenter.

4. Lisez « Au moins 326 manifestants tués en Iran, selon le nouveau bilan d’une ONG »

* Titulaire d’une licence en droit de l’Université d’Ottawa, ainsi qu’un Juris Doctor en Common law nord-américaine de l’Université de Montréal

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