Il y a cinq ans, le mouvement #metoo a provoqué un véritable chaos.

Seulement au Québec, des centaines de personnalités publiques, mais aussi de gens bien ordinaires, ont vu leurs noms être inscrits sur des listes de parias. Très souvent, les noms des « coupables » étaient froidement associés à des degrés de dangerosité ainsi qu’à des récits décousus sans même que les dénonciateurs se soient présentés en bonne et due forme.

En l’espace de quelques heures, l’anonymat était devenu la norme. On le confondrait très bientôt avec le courage.

Puis, le chaos a laissé place à l’effroi.

Le tribunal populaire s’est substitué à la loi et des hommes — essentiellement – ont perdu leur boulot, leur réputation ainsi que leur entourage après avoir été qualifiés de violeurs, de prédateurs et de monstres, et ce, sans même avoir pu se défendre devant un vrai appareil de justice.

La logique du « On vous croit » s’était ainsi implantée à la manière d’un hymne bienveillant.

Malgré des millions d’années d’évolution, il était devenu impossible de rappeler l’importance de la présomption d’innocence sans passer pour un être insensible ou pire, un complice.

Le principe de la présomption d’innocence avait pourtant fait ses preuves par le passé. Mais justement, la loi et l’ordre constituaient les résidus de ce passé et le mouvement #metoo regardait vers l’avant.

Il était une révolution.

Il a fallu cinq ans avant que des journalistes québécoises osent critiquer le mouvement #metoo et décident de plonger dans les décombres. Cette semaine, le travail remarquable de deux d’entre elles a permis de faire la lumière sur le cas de Julien Lacroix.

Idéologie militante

Si plusieurs sont tombés en bas de leur chaise, d’autres n’ont pas pu s’empêcher de constater que leur intuition était la bonne : le mouvement #metoo découle d’une idéologie militante.

En effet, comment le nier lorsque, parmi les neuf dénonciatrices du dossier du journal Le Devoir publié en juillet 2020, certaines affirment aujourd’hui : « J’essayais de me dire : je suis une victime. Il faut que je tienne mon bout de victime », ou alors : « Il y avait une pression de ne pas se taire. » Ou encore « il fallait que tu te positionnes. Ne rien dire par rapport à ça, c’était mal vu ».

S’efforcer d’être quelqu’un que l’on n’est pas et s’obliger, sous une pression désormais avouée, à exprimer une vision alternative du réel, voilà les échos d’une période que l’on croyait révolue.

Depuis la publication de l’article de La Presse, cette idéologie militante ne lâche d’ailleurs pas le morceau. On a même pu lire cette semaine que l’expression d’un semblant de justice dans l’histoire de Julien Lacroix était en fait un backlash antiféministe et que les dénonciatrices désolées traversaient maintenant la phase de l’ambivalence et du sentiment de culpabilité face à leur agresseur.

En d’autres mots, ces filles ne seraient plus capables de mesurer ce qui leur est arrivé maintenant que leur version conteste le récit proféré par le mouvement #metoo. On ne manquera pas de remarquer ici l’étonnant paternalisme de ces idéologues qui aiment pourtant se présenter comme d’ardents défenseurs de la parole libérée.

Les témoignages de certaines des dénonciatrices permettent également de constater que le mouvement #metoo est davantage fondé sur un instinct de vengeance que sur l’esprit de justice.

Cette idée selon laquelle « il faut des exemples » pour légitimer le mouvement #metoo n’appartient pas à la justice. Après tout, puisque ces exemples doivent frapper l’imagination, ils n’ont pas à être nécessairement avérés. L’important, pour ces militants, c’est que des têtes roulent pour la cause et, au bout du compte, « c’est tombé sur lui » (Julien Lacroix).

L’histoire est claire : les idéologies militantes ont un faible pour les boucs émissaires et n’en ont que faire de la vérité. Malgré les leçons du passé, on sait maintenant qu’elles peuvent toujours s’exprimer à l’ère contemporaine et que, si au bout d’un clavier et d’une colère il y a des vies — des vraies —, cela n’empêchera jamais les idéologues d’en sacrifier une.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion