Performance, tu nous tiens dans tes ficelles, tu nous affirmes que tu es le chemin, la vérité et la vie, et qu’il faudrait être fou pour ne pas vouloir de toi.

Petite mise en contexte : j’ai eu ma première migraine à 7 ans. Aujourd’hui, j’ai 29 ans et la migraine fait partie de mon quotidien, la douleur se renouvelant jour après jour. La douleur chronique comporte son lot de défis et parfois la seule solution est de poser l’ancre. Je suis donc en arrêt de travail depuis quatre mois. En fait, sur papier, je suis en invalidité (terme qui réduit à invalide une personne momentanément inapte au travail ; très encourageant et favorable à l’estime de soi).

Dernièrement, je pensais à mon retour au travail imminent et force est de constater que je suis profondément épuisée, très peu motivée et de plus en plus envieuse de tous ceux qui exercent leur métier dans la quiétude de la non-douleur.

En tant que femme de solutions (ingénieure de formation, on ne sortira pas la troisième loi de Newton de mon être), je décide d’aller consulter une psychoéducatrice pour démêler toutes ces pensées. Au milieu de la rencontre, elle s’arrête et me dit : « On dirait que vous souhaitez performer votre guérison. Mais ça n’a aucun sens de performer sa guérison. »

Essayer de performer sa propre guérison. Guérir plus vite, plus efficacement. Parfois, le simple fait de nommer une situation change la perspective de celle-ci. Performer sa guérison… ça n’a peut-être aucun sens, mais j’ai l’impression que c’est exactement ce que l’on attend de moi.

Mais qui pourrait s’attendre à ce que je réussisse vite et bien ma guérison ?

Après quelques minutes de réflexion, la liste vient d’elle-même : mes médecins qui semblent souvent découragés de m’entendre dire que ce énième traitement n’a pas fonctionné ; mon assurance-maladie qui me rappelle d’utiliser prioritairement les médicaments les moins chers ; mon employeur qui s’attend à un retour au travail rapide ; ma famille qui aimerait tout simplement que je souffre moins ; la madame qui vend de l’huile moitié émeu, moitié pamplemousse qui me rappelle, d’un regard froid, que si je n’ai pas essayé son huile, c’est que dans le fond, je ne veux pas vraiment guérir ; moi-même qui aimerait tant reprendre le contrôle sur cette situation, sur ma vie.

Bien que personne n’ait de mauvaises intentions (en restant très charitable avec la vendeuse d’huile), on peut quand même se demander : est-ce que ça a du sens de désirer performer sa guérison ? Est-ce qu’on ajoute un poids inutile sur nos petites épaules déjà fatiguées par la douleur chronique ? Ce poids de devoir tout essayer, ce poids de décevoir si à la question : « Est-ce que tu vas mieux ? » la réponse est non.

J’aimerais simplement rappeler que je ne suis pas invalide, je suis malade. Je ne suis pas paresseuse, je suis malade. Je ne suis pas inefficace dans ma guérison, je suis malade.

Je dois surtout me le rappeler parce que ça fait deux ans que j’essaie de performer ma guérison afin de continuer à performer ma vie, ma carrière, mes avancements sans jamais reculer ou rester sur place.

Peut-être que notre discours collectif sur la guérison pourrait laisser plus de place à la beauté de la souffrance qui transforme. La souffrance enseigne la compassion, l’humilité, le lâcher-prise et la simplicité des beaux moments. L’importance d’avoir des fondements qui résistent à la tempête. Pouvons-nous nous laisser le temps de souffrir en paix sans la pression de guérir au plus vite ?

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