À quoi sert le Parti libéral du Québec (PLQ) sans menace référendaire ? C’est la difficile question à laquelle les membres du PLQ doivent répondre maintenant que Dominique Anglade a tiré sa révérence. Chercher un sauveur distraira probablement ceux qui cherchent une réponse simple à un problème complexe. Le parti a néanmoins besoin d’une grande introspection, et ce, même si l’autocritique n’est pas la force de la maison.

Dans un éclair de lucidité, Lucien Bouchard s’inquiétait récemment de l’état de santé du PLQ. Il rappelait que ce parti était fort lorsqu’il était « une coalition de francophones nationalistes, mais fédéralistes, avec les anglophones et les communautés ». Ayant affronté la grande coalition pour le Non, il sait de quoi il parle.

Le PLQ a toujours su être en phase avec l’ambivalence des Québécois. Il a su composer avec l’inconfort inhérent au statut de coalition sans pour autant faire l’économie de déchirements périodiques. Une défense ferme des francophones créa le Parti égalité en 1989. Une modération du désir d’affirmation post-Meech créa l’Action démocratique du Québec (ADQ) en 1994. Le PLQ savait néanmoins garder l’équilibre en jouant la gamme du fédéralisme renouvelé.

Les choses changent après qu’on a vécu la peur de l’échec référendaire en 1995. Plus question de donner quelque munition que ce soit à l’adversaire indépendantiste.

De 1998 à 2018, le PLQ domine la scène politique en promettant essentiellement deux choses : une stratégie d’endiguement référendaire et une saine gestion des finances publiques. Et cela fonctionne !

L’élan du mouvement souverainiste se casse en 1998 lorsque le PLQ remporte la pluralité des voix. De 2003 à 2012, les libéraux sont prêts à gérer l’économie d’abord avec les deux mains sur le volant et en ne se privant jamais de rappeler l’article 1 du Parti québécois (PQ). Il faudra une grève étudiante historique et les travaux de la commission Charbonneau pour donner au PQ un gouvernement… minoritaire ! Cette défaite aux allures de victoire n’offre pas un grand espace de remise en question. La charte des valeurs et le poing en l’air de Pierre Karl Péladeau donneront l’élan nécessaire pour que Philippe Couillard retourne s’occuper des « vraies affaires » en 2014. Puis arrivèrent la défaite historique de 2018 et celle encore plus historique de 2022.

Une façade qui se lézarde

La longue séquence victorieuse du PLQ masque cependant une façade qui se lézarde. Après la crise des accommodements raisonnables de 2006, le PLQ remporte ses élections avec ses plus faibles pourcentages depuis le début du XXe siècle. Une part importante de l’électorat francophone hésite entre promouvoir l’indépendance ou défendre l’identité québécoise. Il se fractionne de plus en plus entre le PQ et la Coalition avenir Québec (CAQ).

Le PLQ se retrouve alors devant un défi de renouvellement lorsque la CAQ devient le nouveau socle politique des francophones en 2018. Comment cimenter sa coalition et se redéfinir sans la menace utile de l’indépendance ? La pandémie offre peu d’espace pour débattre et fait avorter la course à la chefferie. Les élections de 2022 consacrent alors la CAQ comme parti dominant. Il n’a devant lui qu’un électorat éclaté en quatre partis récoltant chacun environ 15 % des voix.

Dans cette nouvelle ère postréférendaire, le PLQ traverse une crise d’identité. Que l’on aime ça ou non, c’est important, l’identité en politique. Pour être disposé à écouter les idées qu’a à proposer un parti, l’électeur doit pouvoir minimalement s’identifier à son offre politique. Or, les résultats des élections de 2022 corroborent la thèse voulant que le PLQ est désormais perçu comme le parti des anglophones, des minorités et des Montréalais cosmopolites.

Bref, les francophones nationalistes, mais fédéralistes, ont quitté la large coalition pour le Non. Ils sont désormais éparpillés dans plusieurs véhicules politiques.

Dans un contexte où sa base militante est réduite à son noyau le plus dur, le PLQ saura-t-il opérer le recentrage nécessaire ? Ce ne sera pas une mince tâche ! Chercher à croître et à élargir la tente sera contre-intuitif pour une base qui s’est sentie tenue pour acquise pendant de nombreuses années. Troquer le désir de gagner pour le désir d’avoir raison est un risque réel qui plane sur ce natural governing party. Le PLQ doit éviter de se satisfaire d’être perçu comme une version édulcorée du Parti égalité, mais comment renouer avec l’électorat francophone sans renier ses valeurs ? Voilà un problème complexe auquel l’espérance du sauveur n’apportera aucune réponse.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion