Depuis quelques jours, la vidéo d’une intervention policière impliquant deux enquêteurs en civil et un suspect de vol de véhicule à la peau noire fait énormément de bruit dans l’espace public.

Certains idéologues, antipoliciers, en profitent bien sûr pour automatiquement relier l’évènement à du profilage racial, qui constitue le pain et le beurre de leur rhétorique. Les nuances et la modération ne font pas partie de leurs discours, où pleuvent les amalgames sur les humains qui portent l’uniforme.

Malheureusement, certains élus, à des fins politiques et partisanes, ont aussi ajouté de l’huile sur le feu en laissant planer des suspicions de profilage racial alors que les faits ne sont pas encore connus.

La situation présente beaucoup de similarités avec celle de l’affaire Mamadi Camara, alors que ce dernier avait été arrêté et détenu, par erreur, pendant plusieurs journées. L’enquête indépendante, menée par le juge Louis Dionne, avait confirmé qu’il y avait eu des erreurs de procédure, mais qu’il n’y avait aucun élément de profilage racial.

Bien entendu, aucun élu ne s’était excusé pour ses jugements rapides.

Peu importe la couleur de peau

La couleur de peau d’un suspect n’a aucune importance lors d’une telle intervention. Les détentions pour fins d’enquête sont nombreuses chaque année et impliquent des personnes de toutes les couleurs de peau.

Dans ce cas-ci, les enquêteurs semblaient être à l’étape des soupçons et non à l’étape des motifs raisonnables qui leur aurait permis de passer directement à une arrestation formelle.

L’expérience policière indique que peu importe la couleur de peau de la personne qui se serait approchée de la porte du conducteur, les policiers seraient intervenus de la même façon.

Des voleurs d’autos agissent en plein jour dans les stationnements publics. Ils cherchent souvent à fuir à pied lorsque des policiers surgissent. Les policiers n’ont pas de boule de cristal et doivent parfois utiliser la détention à des fins d’enquête pour obtenir ou non des motifs raisonnables qui les mèneront à une arrestation formelle. Cette détention ne dure normalement qu’un court laps de temps pour permettre de valider des informations ou des faits. La pose des menottes se fait pour des motifs de sécurité ou pour empêcher une fuite. Ce sera aux enquêteurs d’expliquer ce qui a motivé leur utilisation. Dans ce cas-ci, bien sûr, une erreur, une méprise a été commise, car les enquêteurs n’étaient pas équipés de la clé des menottes, ce qui a rallongé l’intervention et la détention.

Y a-t-il eu d’autres erreurs opérationnelles ou procédurales pendant l’évènement ? Peut-être. S’agissait-il d’erreurs commises de bonne foi ou avec malice ? Le stress et le fait que les enquêteurs n’étaient pas appuyés par des patrouilleurs identifiés au moment de l’interpellation ont-ils joué un rôle dans l’action et les décisions ?

Une enquête sera menée et viendra répondre, on le souhaite, à toutes ces questions.

Un désengagement des policiers

Les amalgames de profilage racial sont en train de créer d’autres problématiques sociales. Les vidéos sur les réseaux sociaux, le traitement médiatique, les réactions prématurées de certains élus, qui n’abordent souvent et malheureusement qu’un seul côté d’une médaille, font grandir les préjugés conscients et inconscients d’une petite partie de la population qui déteste les policiers. Ils ont aussi l’effet de décourager les policiers, ce qui les mène de plus en plus à se désengager du SPVM.

Selon une étude réalisée par le Centre de recherche et de développement stratégique de l’École nationale de police du Québec, le désengagement policier serait bien présent au Québec. Cinq causes sont parmi les plus souvent mentionnées concernant le désengagement policier : les craintes de répercussions ou de conséquences ; les critiques du public et la méconnaissance du métier de policier ; le manque de soutien organisationnel ; le sensationnalisme médiatique ; et la perception du sentiment d’injustice.

Les premiers signes du désengagement au SPVM sont d’ailleurs clairement visibles : certains jeunes veulent quitter le programme de Techniques policières ; plusieurs jeunes recrues ne veulent plus venir travailler à Montréal, des vétérans policiers veulent quitter leur poste avant les 30 ans de service, normalement visés pour la retraite ; de plus en plus de policiers regardent à gauche quand l’action est à droite.

Montréal n’a pas le loisir de devenir un second Toronto, où les policiers n’interpellent et n’interceptent presque plus de personnes issues de la diversité, y compris des criminels violents, pour ne pas être la cible des amalgames de profilage racial. Le résultat est sans appel : 450 fusillades par année et des centaines de victimes.

Les élus ont une responsabilité toute particulière : faire confiance à leurs policiers et policières, les valoriser et dire, jusqu’à preuve du contraire, que la très grande majorité d’entre eux sont des professionnels et qu’ils attendront la fin d’une enquête avant de se prononcer sur un fait divers.

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