Le second mandat de Christian Dubé s’est entamé sur les chapeaux de roues. À peine sa nomination entérinée qu’il était déjà confronté à une « crise des urgences » qui, nous l’aurons compris, cache une crise du système de santé dans son ensemble.

Le contrecoup de la pandémie était inévitable. Le réseau en mesure désormais pleinement les dommages collatéraux : pénuries de personnel, déficit de dépistage, sempiternel manque de lits, listes d’attente allongées et dette immunitaire des enfants… le tout sur fond de vieillissement accéléré de la population. La tempête est parfaite.

Dans les circonstances, le ministre a agi avec rigueur et efficience en mettant sur pied une cellule de crise. Composée d’une multitude d’experts du milieu, celle-ci a émis trois recommandations simples et connues depuis longtemps. Selon le ministre, si ces orientations ont déjà abondamment circulé, c’est le fait d’enfin les implanter qui fera la différence.

Il va sans dire que ces trois idées, aussi consensuelles soient-elles, ne feront toutefois pas de miracles.

D’ailleurs, si la cellule de crise avait inclus des parents, ceux-ci auraient sans doute exprimé de sérieux doutes quant à la possibilité que le 811 suffise à pallier le manque d’accès aux soins auquel ils sont confrontés avec leurs enfants malades.

Certes, il s’avère rassurant de constater la présence du Dr Alexander Sasha Dubrovsky, cofondateur des cliniques UP, au sein de la cellule de crise. Espérons que le modèle de cette clinique jadis salvatrice sera émulé et multiplié. Je dis jadis, car elle ne suffit manifestement plus à la demande. Le secret bien gardé s’est ébruité. Les parents de la Rive-Sud se retrouvent sans ressources locales, et ce, au moment où l’accès à l’île se complique d’un cran.

Montréal peut se targuer d’être l’hôte de deux hôpitaux pour enfants de classe mondiale. Or, la démographie changeante de la communauté métropolitaine appelle une certaine décentralisation des soins pédiatriques. Malgré les efforts pour attirer et conserver les familles sur l’île, force est de constater que, faute de moyens et d’espace, plusieurs ont quitté la ville pour les couronnes. Les bilans de migrations interrégionales en attestent, année après année.

Résultat : les enfants se concentrent dans le 450 et n’ont qu’un maigre accès aux soins pédiatriques dans leurs régions respectives. La multiplication des chantiers complexifie l’affaire.

Une campagne de sensibilisation demandait récemment aux usagers du pont-tunnel quel était leur plan B. Justement, quel est le plan B pour les enfants de la couronne ? A-t-on prévu des corridors efficaces de transfert pour l’accès aux soins tertiaires et quaternaires lorsque des interventions majeures sont requises ?

À court terme, la construction d’une unité pédiatrique par couronne pourrait également être envisagée. Par exemple, les hôpitaux Pierre-Boucher et Cité-de-la-Santé pourraient accueillir des annexes vouées à cette fin. Les sceptiques avanceront que cela est impensable. Or, la construction, en un temps record, du pavillon d’hémato-oncologie à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont constitue la preuve que c’est possible.

Au-delà des briques, la crise actuelle révèle une crise de ressources humaines. Inutile de répéter l’importance d’ouvrir les vannes pour former le personnel de la santé qui permettra de s’occuper décemment de prévention. Cela dit, nous peinons à couvrir les urgences. La question de l’allocation des ressources actuelles doit donc être débattue. Est-il raisonnable que certains pédiatres consacrent aujourd’hui encore leur expertise à effectuer des suivis annuels ? Tous les parents désirent le nec plus ultra pour leurs petits. Mais alors que des milliers de jeunes n’ont aucun accès médical, il apparaît clair qu’un Québec réellement fou de ses enfants mettrait l’expertise des pédiatres à profit avec plus de « sans rendez-vous ».

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