Quatre semaines après les dernières élections québécoises, on ne sait toujours pas comment s’articulera au juste l’opposition au gouvernement caquiste solidement installé au pouvoir.

Ne confirmant pas Québec solidaire comme principal adversaire de la CAQ dans l’avenir, la nouvelle donne laisse au contraire quatre partis dans le jeu, dont un presque ressuscité, le PQ, et un autre presque nouveau, le Parti conservateur.

Avec des pourcentages comparables en matière de suffrage populaire, mais des nombres très différents de députés, ces formations politiques sont en compétition pour incarner l’opposition, tout en ne constituant pas actuellement une menace pour la CAQ.

Ciment caquiste

La responsabilité de gouverner reste, peut-être pour longtemps, l’apanage de la CAQ pour laquelle le pouvoir constitue le plus solide des ciments, comme on avait l’habitude de le dire des libéraux fédéraux.

La coalition mise sur pied par François Legault se voulant pragmatique, elle peut facilement se réajuster au gré des circonstances, comme on l’a vu avec ce retour à l’économie révélé par le nouveau Conseil des ministres, après un passage par l’identitaire.

Dans un Québec essentiellement modéré, la CAQ occupe le centre au sens large, avec un accent sur le conservatisme identitaire dans une société francophone inquiète pour son avenir, une société pour laquelle la sécurité est importante, comme on l’a vu lors de la pandémie.

Le Québec de 2022 ressemble à certains égards au Canada français d’avant la Révolution tranquille, menacé par la même médiocrité qui prévalait dans ce dernier.

Et c’est là qu’entrent en scène les quatre autres partis dont François Legault a admis, de façon à la fois impériale et candide, qu’il ne demandait pas mieux que d’être influencé par eux dans toute une série de domaines, la langue pour le PQ, l’environnement pour QS, etc.

Pendant combien de temps encore le gouvernement sera-t-il monopolisé par un grand parti centriste, autour duquel gravitent des formations plus petites, plus idéologiques et parfois plus audacieuses, que certains ne manqueront pas de caricaturer en parti des Anglais, en parti woke, en parti séparatiste et en parti libertarien ?

Gouvernements congédiables

La situation ressemble à certains égards à celle qui a prévalu en Italie après la Seconde Guerre mondiale. Le parti de la Démocratie chrétienne y avait gouverné sans interruption pendant des décennies, à la faveur d’alliances ponctuelles avec de plus petites formations, la différence avec le Québec étant que ce parti profitait d’un système proportionnel facilitant le maintien longtemps au pouvoir de la même famille politique.

Notre système produit au contraire des gouvernements forts, axés sur la défense des intérêts de la majorité francophone, mais également des administrations congédiables périodiquement. Le phénomène des balayages porte alors au pouvoir de nouvelles équipes disposant réellement des moyens d’agir.

Mais encore faut-il que les partis de l’opposition soient fonctionnels, prêts à bouger et à faire les compromis requis pour accéder au pouvoir, au lieu d’attendre après les élections comme dans les systèmes proportionnels.

À une époque où tout va plus vite qu’avant, l’actuelle coalition gouvernementale n’est pas sans fragilité, ne serait-ce que parce qu’elle repose beaucoup sur François Legault.

La question à se poser dans ce contexte est de savoir si les partis de l’opposition ont véritablement le goût du pouvoir. Se contenteront-ils, au contraire, de continuer à véhiculer des thèmes que le gouvernement caquiste reprendra parfois à son compte, mettant tous leurs espoirs dans une réforme du mode de scrutin qui ne se fera pas ?

Doublon absurde

Le Parti libéral se résignera-t-il à la reconnaissance du PQ et de QS comme groupes politiques à l’Assemblée nationale sachant que, de toute façon, il se doit de courtiser l’ensemble des Québécois ?

Le premier ministre consentira-t-il aux accommodements demandés par un Parti conservateur représentant un demi-million de Québécois ? Éric Duhaime réussira-t-il à juguler la grogne de ceux qui ont les moyens de transformer la percée historique dont il a été l’agent en feu de paille ?

Gabriel Nadeau-Dubois sortira-t-il de son déni en ce qui a trait aux causes de l’échec de Québec solidaire, le parti des jeunes, « le parti de l’avenir », échec que sa frange radicale imputera sans doute à un recentrage excessif ?

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Paul St-Pierre Plamondon

Le PQ et QS enfin tireront-ils les leçons du cul-de-sac où est condamné ce doublon absurde de deux partis francophones de gauche indépendantistes qui se détestent, alors que le dynamisme de Paul St-Pierre Plamondon dans le dossier du serment à Charles III les fait travailler pour une fois de concert ?

On verra d’ici aux prochaines élections jusqu’à quel point le goût du pouvoir amènera les partis de l’opposition à changer ou s’ils préféreront rester ce qu’ils sont déjà, condamnés à l’opposition.

À Guy Nantel, merci pour votre dernier spectacle si joyeusement iconoclaste, qui ne ménage personne et nous fait réaliser à quel point la dérive woke est en train de stériliser la pensée.

Merci d’incarner si vigoureusement la liberté d’expression.

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