La dernière campagne électorale a apporté son lot de débats nécessaires pour notre société, mais a aussi remis en lumière l’inconfort par rapport à la question de la cohésion sociale et de l’immigration dans un contexte mondial de plus en plus polarisé.

En tant qu’enfant de la loi 101 d’origine vietnamienne qui joue au hockey, qui a côtoyé et qui a grandi au sein d’à peu près tous les cercles culturels du Québec, allant des minorités culturelles, de la communauté anglophone, des milieux francophones métropolitains, banlieusards et ruraux, et aux communautés autochtones et qui a finalement épousé la plus belle des Acadiennes, j’ai été personnellement interpellé par les commentaires qui ont fusé de toute part au sujet des immigrants et qui sont venus déterrer une vieille insécurité, celle de mon identité culturelle.

Après 1995, j’ai dû faire mon chemin de croix pour comprendre qui j’étais. J’ai finalement trouvé réponse à mes questions en faisant le tour du Québec.

J’ai été agréablement choyé en constatant toute la beauté que cette belle contrée peut offrir à travers ses paysages, mais aussi la chaleur, l’ouverture et la gentillesse de ses gens qui m’ont accompagné tout au long de mon parcours vers la médecine de famille. C’était en quelque sorte une manière de me réconcilier avec ma terre d’accueil tout en affirmant mes profondes racines vietnamiennes.

Mais voilà que refait surface cette épineuse question que se pose chaque enfant issu de l’immigration : suis-je Québécois ?

Cette question fondamentale revient inévitablement dans un contexte nord-américain où on peut aisément choisir entre les cultures francophone, anglophone ou un mélange des deux. Au terme de la campagne électorale, je suis persuadé que plusieurs jeunes et moins jeunes se sont éloignés de la culture francophone comme ce fut le cas en 1995. Faut-il rappeler que les mots ont un poids et qu’ils peuvent rouvrir de profondes plaies pour plusieurs générations, d’où l’importance de responsabiliser celles et ceux qui sont au pouvoir si l’on souhaite véritablement bâtir un projet national rassembleur.

Les cicatrices de l’histoire en disent long sur un peuple. L’emprise du clergé et la soumission face aux Anglais à l’époque expliquent une partie des réactions viscérales des Québécois francophones d’aujourd’hui. De la même manière, le colonialisme et l’opportunisme des derniers siècles ont probablement entraîné un sentiment de prudence des Premières Nations face à toute tentative de rapprochement.

Il est donc primordial d’aborder le sujet de la cohésion sociale avec délicatesse et empathie comme on nous l’enseigne en médecine de famille avec nos patients partenaires. Il faut surtout faire preuve d’humanisme et ne pas réduire les gens à de simples chiffres, car il est bien prouvé qu’une relation humaine de confiance précède tout succès thérapeutique. À ce titre, une campagne électorale émotive qui vient toucher à certaines sensibilités sans faire appel aux principaux concernés se prête moins à des échanges constructifs, au contraire, cela peut mener à perpétuer les collisions culturelles.

Par exemple, les rapports entre la majorité et les minorités visibles doivent être pris en compte. La situation unique de Montréal, qui est comme un aéroport dans une ville, soit un hub international qui fait parfois contraste avec les régions environnantes et qui amplifie tout phénomène social, doit être vue comme une occasion à saisir pour identifier des représentants et experts en matière de cohésion sociale. On parle souvent des groupes qui étudient ces phénomènes, mais il faut surtout penser aux travailleurs de rue et aux organismes communautaires qui connaissent la réalité du terrain.

Ce qui est surtout important, c’est d’écouter et de laisser parler ainsi que de mettre de côté certains réflexes paternalistes.

Les communautés autochtones et culturelles ont plusieurs choses à dire et je ne suis pas certain qu’on leur a laissé toute la place pour le faire, car elles font partie de la solution et non du problème.

Mme Christine Fréchette, qui a récemment été nommée à la tête du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, a une lourde tâche à accomplir. Elle devra permettre à celles et ceux qui n’ont pas été entendus d’avoir une voix. Elle aura surtout le défi d’élever le débat au-dessus de la mêlée de manière transpartisane et influencer l’ensemble de ses collègues à prendre le pouls de tous les citoyens.

Le Québec est mûr pour une grande discussion nationale. Le Québec est une grande nation et son histoire est remplie de sacrifices et de combats face à l’assimilation qui méritent l’admiration, car elle a réussi contre vents et marées là où plusieurs ont échoué.

Je suis persuadé qu’il est possible de coaliser les peuples autochtones, les nouveaux arrivants et la majorité francophone ainsi que toutes les couches de la société pour que nous puissions tous nous dire fiers d’être québécois, car nous partageons tous un trait en commun, la résilience.

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