Pour la première fois depuis 36 ans, l’équipe canadienne s’est qualifiée pour la Coupe du monde de soccer, qui se tient cette année au Qatar. Mais entre massacre humain et esclavage moderne, l’organisation de cette édition s’est révélée être un scandale. Regarder notre équipe jouer reviendrait-il à cautionner ?

Le Qatar a décidé de voir plus grand. Après les Championnats du monde d’athlétisme en 2019 et le Grand Prix de Formule 1 en 2021, l’Émirat s’offre l’évènement le plus populaire et le plus médiatisé de l’histoire : la Coupe du monde de soccer.

Un État qui ne respecte pas les droits humains ? Des dirigeants en lien avec les organisations terroristes ? Des soupçons de corruption pour obtenir l’accueil de la Coupe du monde ? L’accueil de l’évènement par le Qatar est un non-sens total, et ce, depuis sa nomination par la FIFA en 2010. Mais le micro-État pétrolier avait alors plus de dix ans pour changer ses pratiques et montrer au monde que le sport allait apporter la paix et le respect sur ses terres… Une utopie.

Pour construire le décor de rêve nécessaire à la Coupe du monde, un véritable système d’exploitation humaine est mis en place. L’Émirat fait venir plus d’un million de travailleurs immigrés et les loge dans des camps surpeuplés. Les ouvriers sont sous-payés et les coupes de salaires sont récurrentes. Les employeurs leur confisquent leurs passeports et les piègent dans ce qu’Amnistie internationale nomme comme un « système de quasi-esclavage ».

Les conditions de travail sont meurtrières. Les ouvriers sont contraints de travailler jusqu’à 18 h par jour, sous 50 degrés et sans congés. Le nombre de morts sur les chantiers est estimé à plus de 6000 par The Guardian. Les corps sont renvoyés aux familles dans des cercueils, sans explication ni compensation.

Ce massacre humain n’est pas le résultat d’une guerre ou d’une catastrophe naturelle. C’est le prix qu’ont payé le Qatar et la FIFA pour leur tournoi de soccer. Pour un divertissement.

La semaine dernière, Justin Trudeau se disait « consterné » par les nouvelles attaques russes contre des villes ukrainiennes. Mais jamais les responsables politiques n’ont pris position face à la situation au Qatar. À titre de comparaison, il y a eu autant de morts sur les chantiers qataris que de civils ukrainiens tués depuis le début de l’invasion russe en février 2022.

L’impunité médiatique et politique dont bénéficie l’évènement montre à quel point le caractère sportif de ce dernier a camouflé toute la question des droits humains. Nous entendons parler de la Coupe du monde pour ses enjeux sportifs, mais que très rarement pour sa réalité politique et humaine. Comme si le soccer, et le sport en général, évoluaient dans un monde parallèle et intouchable. Tous les moyens sont permis alors, tant que la fin nous est profitable.

Le Qatar est loin d’être le seul responsable. Un ensemble d’acteurs profitent de l’évènement, et cautionnent ce désastre humain. La FIFA touchera 6 milliards de dollars de profits grâce aux revenus générés par l’évènement. L’équipe canadienne de soccer récoltera quant à elle jusqu’à 50 millions de dollars.

Le premier coup de sifflet est donné dans un mois et plus rien n’empêchera la tenue de l’évènement. Devrions-nous alors mettre notre conscience de côté et profiter du spectacle ? Je ne pense pas.

Le boycottage est la seule solution qui s’offre à nous, citoyens ordinaires. Parce qu’il est possible, et même très souhaitable de refuser un tel niveau d’indécence humaine. Et l’équipe canadienne, dont la présence est historique ? Elle n’aura pas le soutien de ses concitoyens, qui sacrifieront leur divertissement au prix de leurs valeurs.

Nous ne pouvons plus être les spectateurs passifs et déconnectés d’une réalité lointaine. Car la situation nous concerne bien plus qu’on ne le pense : la prochaine Coupe du monde se tiendra au Canada, qui la co-organise avec les États-Unis et le Mexique. Accepterons-nous que le Canada s’associe aux pratiques des grandes instances de sport et de divertissement ?

Au stade actuel, cela s’annonce déjà comme un désastre, cette fois-ci écologique : 16 villes, 4000 kilomètres de distance, 48 équipes, 80 matchs… En fin de compte, le Canada finira peut-être par marquer l’histoire du soccer.

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