Au Québec, quelque 23 000 familles doivent vivre le deuil d’un nouveau-né décédé annuellement. Environ une femme sur 10 vivra la douloureuse épreuve de faire une fausse couche pendant sa grossesse. Pourtant, le sujet demeure tabou.

J’ai décidé d’en parler à l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal parce que nous faisons partie des familles éprouvées par le deuil : celui de perdre un bébé pendant la grossesse.

Je ne pourrai jamais saisir pleinement l’immensité du chagrin de ma conjointe, Christiane, qui a perdu, à deux reprises, l’enfant qu’elle portait pendant les 20 premières semaines de sa grossesse. Ce n’était que le premier trimestre, mais il ne m’en fallait pas plus pour m’emballer, rêvasser et commander quelques beaux pyjamas. Bien entendu, j’étais moi aussi dévasté.

Mais j’étais surtout bouleversé pour ma douce Christiane qui semblait inconsolable. Je me sentais impuissant face au sentiment pénible de fausse culpabilité qui l’accrochait à son lit, face au sentiment d’injustice de faire partie, deux fois plutôt qu’une, de la damnée statistique des femmes à qui ça arrive, face aux rappels douloureux que lui faisait son corps au quotidien…

Ce sentiment cruel de se rendre à l’unité des naissances de l’hôpital avant d’en ressortir les mains vides et le cœur gros.

Parfois, quand il est question de fausse couche, l’utilisation du mot « deuil » fait réagir. Comme si l’épreuve était moins éprouvante parce que les parents n’avaient pas eu la sensation de tenir leur nouveau-né dans leurs bras. Le deuil est aussi souvent minimisé lorsque la fausse couche survient tôt. Pourtant, dès qu’un couple décide de concevoir un enfant, le processus s’enclenche : on pense à la chambre du bébé, on s’imagine le métier qu’il pratiquera… Quand l’aventure prend fin du jour au lendemain, c’est un véritable traumatisme.

Des politiques rigides et sans compassion

Au Québec, pour citer la CNESST, « si une interruption de grossesse survient avant le début de la 20e semaine de grossesse, la travailleuse a le droit de s’absenter jusqu’à trois semaines, sans salaire. » Il est important de noter que la loi ne prévoit aucun congé pour l’autre parent et qu’elle ne s’applique pas à tous les travailleurs, dont les travailleurs autonomes.

Le Code canadien du travail, lui, ne prévoit aucun congé de deuil spécifiquement pour les fausses couches.

Pour les deux ordres de gouvernement, il me semble que la moindre des choses serait d’offrir des congés payés de deuil pour tous les parents qui doivent traverser cette épreuve… Ce deuil ne peut être un luxe réservé qu’aux plus nantis de notre société.

Au fil du temps, le Québec et le Canada se sont souvent démarqués par leur humanité et leur empathie. Cette fois, puisqu’il s’agit d’un sujet terriblement tabou, on dirait que nous avons oublié ces parents endeuillés.

Profitons d’aujourd’hui pour s’en parler et espérons qu’à la prochaine édition de la Journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal, nos lois feront preuve d’un peu plus de compassion.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion